L’Eurodrone, le premier avion militaire sans pilote de construction 100% européenne, est une idée qui traine dans les cartons depuis 2013, et dont les contrats devaient être signés il y a près de trois ans. La situation bloque encore, chaque pays ayant ses propres exigences vis-à-vis de l’engin, et son propre agenda national.
L’Union européenne semble enfin décidée à prendre une orientation propre en terme de défense, et à ne plus se reposer uniquement sur l’Otan et les États-Unis grâce à une force d’intervention propre de 5 000 soldats, qui regroupera les composantes terre, air, et mer. Et qui doit encore voir le jour. Mais pour assurer toute seule sa défense et sa capacité d’intervention à l’extérieur, l’Union doit aussi se doter de moyens technologiques de pointe afin de soutenir la comparaison. Et sous ce ciel-là, tout n’est pas dégagé pour la bannière bleue étoilée. En témoignent les tergiversations autour de l’Eurodrone, le fameux avion militaire sans pilote entièrement européen, qui devait être en bonne voie pour… 2019.
Un projet franco-germano-italien
Ce cas démontre que la coopération européenne sera toujours suspendue aux tergiversation des différents pays qui sont censés travailler main dans la main. Le programme de drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen, surnommé plus simplement Eurodrone, est né en 2013 d’un projet conjoint des constructeurs Airbus Defence and Space, Dassault Aviation et Aermacchi, regroupant ainsi sur le même chantier les grandes firmes aéronautiques allemande, française, et italienne.
Il s’agira d’un gros engin : 26 mètres d’envergure pour 11 tonnes de charge maximale, qui pourra atteindre les 500 km/h et parvenir à un plafond de 13 700 m d’altitude. Rebaptisé MALE RPAS (Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System), de drone prendra en charge des missions de renseignement, surveillance, d’acquisition d’objectif et de reconnaissance. Sauf que pour remplir le cahier des charges et parvenir à un projet de contrat, il a fallu attendre 2020, et accepter une hausse des prix estimés de 30% : l’Eurodrone devrait coûter à l’unité environ 200 millions d’euros. Et il faut encore obtenir l’accord des pays-clients.
Un sujet qui fâche les Allemands
Ce n’est pas un problème en France, mais l’Allemagne prendra le temps de faire examiner un rapport très complexe et très critique sur la question via la commission des finances du Bundestag. Un tel investissement ne faisait pas l’unanimité, d’autant que des manifestations ont eu lieu pour dénoncer ce programme, le sujet d’engins de guerre commandés à distance faisant débat dans le pays, car l’Eurodrone peut recevoir des armes, et la France comptait bien lui en donner. Mais le Parlement allemand a fini par signer.
Restait l’Italie, et surtout l’Espagne, seul client non-présent dans le processus d’élaboration du drone. Mais ce dernier pays n’a toujours pas donné son accord à la poursuite du programme, alors que la signature était attendue pour novembre au plus tard.
Des Espagnols en retard
« Nous avons le feu vert de l’Allemagne, de l’Italie et de la France, et nous attendons encore celui de l’Espagne » confirme Daniela Lohwasser, responsable du projet Eurodrone chez Airbus Defence & Space, ce 30 novembre. Et une fois qu’il sera obtenu, a-t-elle continué, « il faudra peut-être encore quelques mois avant que nous soyons prêts à enfin signer les contrats complets. » Bref, le retard n’a pas fini de s’accumuler. D’autant que la motorisation de l’engin n’est pas encore arrêtée : deux motoristes sont en lice, le français Safran et l’italien Avio. Mais aucun des deux n’a remis une copie satisfaisante, tant du point de vue financier que des performances.
L’Allemagne comptait investir dans 21 drones, tandis que l’Espagne envisage quatre systèmes, composés chacun de trois vecteurs aériens et deux stations au sol, tandis que la France visait 8 systèmes dès 2030. L’Armée française de l’Air et de l’Espace espérait recevoir son premier MALE en 2028, mais rien ne semble encore assuré.