a NASA réfléchit aux meilleures méthodes pour produire du propergol sur Mars, plutôt que de l’exporter depuis la Terre. Car y aller c’est une chose, mais il faut encore que d’éventuels premiers humains à fouler une autre planète puissent revenir sans risque la panne sèche.
La conquête spatiale passe par un problème aussi central qu’incontournable : celui du carburant. Car pour extirper un vaisseau de la gravité de son astre au décollage, il faut une puissance phénoménale et de quoi l’alimenter en suffisance. Mais chaque kilo de carburant supplémentaire dans les réservoirs de la fusée, c’est un kilo supplémentaire qu’il faut mettre en mouvement, ce qui nécessite plus de poussée, plus longtemps et donc… plus de carburant. C’est un cycle sans fin, auquel les agences spatiales du monde entier cherchent encore des solutions.
D’autant que le problème se pose encore plus quand on ajoute à l’équation la problématique du retour : dans l’état actuel des connaissances, une mission habitée vers Mars devrait non seulement emporter tout le nécessaire à la survie des explorateurs, mais aussi le carburant nécessaire pour qu’ils puissent revenir à bon port. Et même si on peut envisager un envoi séparé par des « cargos » spatiaux, cela reste une immense surcharge de travail et de moyens.
Pompiste martien et bactérien
La NASA envisage donc de contourner le problème en développant une méthode pour produire du carburant à fusée directement sur la planète rouge. Plutôt compliqué à première vue, car le fuel spatial, le propergol, se compose de deux éléments, le méthane et l’oxygène liquide, dont la surface martienne semble bel et bien dépourvue. Or, le transport des quelque 30 tonnes de méthane et d’oxygène liquide que la NASA a estimé nécessaires pour aider un équipage humain à décoller de Mars coûterait environ 8 milliards de dollars.
Mais c’est là que la magie combinée de la chimie et du vivant entre en jeu. La NASA a d’abord envisagé de produire de l’oxygène liquide à partir du dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère martienne, dont il compose plus de 95%. Une première étape qui n’a rien d’irréaliste via un système de catalyse : le Mars Rover utilise déjà cette méthode via son dispositif MOXIE, pour la simple et unique raison de prouver que c’est possible.
Mais on peut aller plus loin, sont convaincus les chercheurs de l’agence spatiale américaine: « Une stratégie d’utilisation in situ basée sur la biotechnologie pour la production de propergol sur Mars n’est pas irréalisable », a déclaré à Space.com l’autrice principale de l’étude, Pamela Peralta-Yahya, biologiste de synthèse au Georgia Institute of Technology. Il faut passer à une solution biologique, et importer des microbes sur Mars. Le premier serait une cyanobactérie, qui utiliserait la lumière du soleil pour créer des sucres par photosynthèse après avoir reçu du dioxyde de carbone de l’atmosphère martienne et de l’eau provenant de la glace martienne. La seconde serait une bactérie E. coli génétiquement modifiée qui fermenterait ces sucres pour en faire un propergol pour fusée appelé 2,3-butanediol, qui est actuellement utilisé sur Terre pour la fabrication du caoutchouc.
Gravité moindre et manque d’oxygène : des atouts
Bien que le 2,3-butanediol soit un carburant pour fusée moins puissant que le méthane, la gravité sur Mars ne représente qu’un tiers de celle ressentie sur Terre. « Il faut beaucoup moins d’énergie pour décoller sur Mars, ce qui nous a donné la possibilité d’envisager différents produits chimiques qui ne sont pas conçus pour un sur Terre », a déclaré Mme Peralta-Yahya dans un communiqué. « Nous avons commencé à envisager des moyens de tirer parti de la gravité plus faible de la planète et du manque d’oxygène pour créer des solutions qui ne sont pas pertinentes pour les lancements sur Terre. »
Bien sûr, tout cela implique l’installation d’infrastructures suffisantes pour produire ainsi ce carburant, en plus de celles nécessaires à l’hébergement et à la survie des pionniers de l’espace, ce qui n’est guère encore gagné. Mais on avance, et il n’est pas irréaliste d’imaginer déjà la première station-service interplanétaire de notre espèce.