Pour la journaliste Maria Ressa, les géants du Net laisseraient se déverser « une boue toxique » sur les réseaux sociaux. La Prix Nobel de la paix, récompensée vendredi 10 décembre conjointement avec le Russe Dmitri Mouratov, a étrillé les poids lourds de la technologique au cours de la cérémonie.
La technologie de ces entreprises « a permis au virus du mensonge d’infecter chacun de nous, nous dressant les uns contre les autres, faisant ressortir nos peurs, notre colère et notre haine, et préparant le terrain pour la montée des dirigeants autoritaires et des dictateurs », a dit la cofondatrice du site d’information Rappler.
Selon elle, « notre plus grand besoin aujourd’hui est de transformer cette haine et cette violence, la boue toxique qui parcourt notre écosystème d’information, privilégiée par les entreprises américaines d’Internet qui gagnent plus d’argent à mesure qu’elles répandent cette haine ». Ces entreprises « sont fâchées avec les faits, fâchées avec les journalistes. Par nature, elles nous divisent et nous radicalisent », a-t-elle encore souligné.
« La violence en ligne est une violence authentique »
Or, a-t-elle ajouté, « sans les faits, vous ne pouvez pas avoir la vérité. Sans vérité, vous ne pouvez pas avoir de confiance. Sans confiance, nous n’avons […] pas de démocratie, et il devient impossible de faire face aux problèmes existentiels de notre monde : le climat, le coronavirus, la bataille pour la vérité ». Avec Rappler, Maria Ressa, dont les positions critiques lui valent de nombreuses poursuites du pouvoir philippin, est devenue un symbole de la lutte pour la liberté de la presse dans une ère de dirigeants autoritaires.
« Ce qui se passe sur les réseaux sociaux ne reste pas sur les réseaux sociaux », a encore affirmé la bête noire du président Rodrigo Duterte, dont elle dénonce notamment les méthodes brutales dans sa guerre contre la drogue. « La violence en ligne est une violence authentique », a-t-elle ajouté. Actuellement en liberté conditionnelle en attendant un jugement en appel après une condamnation pour diffamation, elle a dû demander à quatre tribunaux la permission d’aller chercher son prix en personne avant d’y être autorisée de justesse lundi.
Source : lepoint