TIC
Technologies / L’avant-Garde : la première sélection de cosmonautes soviétiques
Publié
3 ans depuissur
Après les premiers satellites et le premier survol lunaire , le programme habité Vostok est en préparation. Les Américains ont déjà leurs candidats pour les vols Mercury, il faut une sélection de cosmonautes soviétiques ! Les équipes vont s’y prendre en étapes successives, jusqu’au décollage de Youri Gagarine.
Qui veut être le premier humain en orbite ?
Des astronautes sans véhicules
Ils sont jeunes, ils sont rayonnants dans leurs costumes, ils iront un jour prochain dans l’espace… et ils sont Américains. Ce 9 avril 1959, la toute jeune agence spatiale (la NASA) dévoile le nom des 7 astronautes de son programme habité Mercury. Coup de pression ou intox ? C’est ce que doivent se demander les responsables du programme soviétique. L’OKB-1, la branche que dirige Sergei Koroliov, n’a eu le feu vert que quelques mois plus tôt pour développer l’étage de fusée « Bloc E » qui permettra un jour d’emporter la future capsule Vostok… qui n’existe encore que sur le papier, et dont le nom n’est même pas encore Vostok (il y a hésitation avec Charik et Zenit pour une potentielle version militaire).
Mais une fois le design validé à l’été, il est plus que temps de trouver des pilotes soviétiques pour les futurs vols en orbite. La sélection ne sera pas publique mais passera par un comité qui va choisir d’abord les dossiers puis les pilotes au sein des forces aériennes de l’URSS. Car oui, ce seront des pilotes : c’est le choix le plus adapté par rapport aux véhicules spatiaux à l’époque.
Choisir, oui, mais choisir qui ?
La sélection commence donc en coulisses au dernier trimestre 1959. Et compte tenu du véhicule final, les contraintes sont élevées. Physiquement, d’abord, pas question d’avoir un pilote de plus de 72 kg (poids idéal : 70). Et comme l’atterrissage est géré par un siège éjectable, la taille maximale est fixée à 1,70 m. La forme physique doit être impeccable, ainsi que les réflexes, c’est pourquoi le comité recherche avant tout des pilotes de chasse de moins de 30 ans. Les études préliminaires montrent qu’il leur faudra s’entraîner dur pour résister à une décélération proche de 10 g lors de leur retour à travers l’atmosphère ! Evidemment, il faudra des candidats avec une santé, une vision, une audition et un équilibre parfaits, et un entrainement sur avion de combat de préférence… Même si contrairement à la NASA, les autorités soviétiques ne sont pas nécessairement attirées par les régiments de pilotes d’essai. Enfin, et même si cela ne fait pas officiellement partie des critères, il faut des profils très soviétiques. C’est un homme du peuple qui devra visiter les cieux pour le peuple…
Etape par étape
Certains pilotes apprennent vite que la sélection est en cours et transmettent leurs dossiers. D’autres sont proposés par leurs supérieurs. Le processus comprend en plus de l’étude des CV, des examens médicaux et des tests qui sont réalisés au centre de recherche des forces aériennes soviétiques… Eh oui, le Centre d’Entrainement des Cosmonautes (ou TsPK) et la si fameuse Cité des Etoiles ne sont pas encore en fonction.
Contrairement aux Américains, les Soviétiques ont décidé d’adopter une approche plus large : ils vont d’abord former une sélection de cosmonautes qui contiendra plus de postes que le nombre de vols envisagés, puis réduire au fur et à mesure le nombre de candidats pour le premier lancement orbital avec Vostok. Et surtout, ce choix ne sera pas divulgué en public. Le 20 février 1960, l’URSS dispose de ses 20 premiers candidats cosmonautes.
Le premier homme en orbite se cache ici
Ils sont jeunes (28 ans de moyenne), et ces pilotes n’arrivent pour certains qu’en mars-avril pour s’installer dans la banlieue de Moscou, car ils étaient basés à des milliers de kilomètres. Vous reconnaitrez plusieurs de ces noms passés ensuite à la postérité… mais pas tous : Ivan Anikeïev, Pavel Belaïev, Valeri Bykovski, Valentin Bondarenko, Gueorgui Chonine, Valentin Filatiev, Youri Gagarine, Viktor Gorbatko, Anatoli Kartachov, Evgueni Khrounov, Vladimir Komarov, Alekseï Leonov, Grigori Nelioubov, Andrian Nikolaïev, Pavel Popovitch, Mars Rafikov, Hermann Titov, Valentin Varlamov, Boris Volinov et Dmitri Zaïkine. L’entrainement, qui est difficile, fait rapidement émerger plusieurs profils, qui eux sont directement recommandés par les ingénieurs et responsables du programme Vostok.
Début mai, la décision est prise : six d’entre eux vont former un premier « groupe d’entrainement accéléré », ils effectueront les premiers vols du programme.
L’avant-garde change…
Pour les autres, cela ne signifie absolument pas la fin de leurs espoirs d’espace : ils poursuivent leur formation, et surtout ils travaillent sur des aspects différents du développement encore à mener vers le vol spatial. L’isolation, les capteurs, les combinaisons, les sièges… Certains n’ont pas de chance, comme le très prometteur Vladimir Komarov qui se fait opérer d’une hernie en mai 1960 et rate sa première chance dans le groupe de tête, surnommé « l’avant-garde ».
D’autres attendent juste leur tour, comme Anikeïev ou Zaïkine. Mais même les six membres favoris (Titov, Gagarine, Varlamov, Nikolaïev, Popovitch, Kartachov) ne sont pas à l’abri d’incidents au cours de leur formation accélérée. Durant un test en centrifugeuse en juillet, Anatoli Kartachov souffre d’une hémorragie interne au niveau du dos, et quelques jours plus tard, Valentin Valamov se brise une vertèbre cervicale en plongeant dans un lac. Les deux sont écartés du programme et remplacés par V. Bykovski et Grigori Nelioubov.
Youri… Youri qui ?
De plus, il ne s’agit pas que de trouver le meilleur, mais aussi celui qui respectera les ordres et ne prendra pas une mauvaise initiative. Nelioubov par exemple, montre des performances impressionnantes, mais son insubordination et son comportement sont des obstacles. La seconde moitié de l’année 1960 sera consacrée aux apprentissages directement liés aux missions Vostok : les commandes de vol, les communications, des stages de survie sur terre et en mer, des essais en centrifugeuse, des examens réalisés avec un taux bas d’oxygène, etc. Vostok vole déjà, avec notamment des animaux.
En janvier 1961, les six membres de « l’avant-garde » passent leurs derniers tests (parachutes, simulateurs) et leurs examens. Le 18, ils sont tous les six officiellement cosmonautes… Mais ne sont toujours pas présentés au public, que ce soit à l’international ou en URSS. Et pour le premier vol, les rumeurs se confirment : Youri Gagarine est pressenti comme le pilote le plus prometteur, avec Hermann Titov. Le mois d’avril s’approche vite…
Source : clubic