Santé
Soins de santé maternelle et infantile à Zuénoula : la Covid est passée par là
Publié
2 ans depuissur
La Covid-19 a durablement impacté l’offre de soins en santé maternelle et infantile dans le district sanitaire de Zuénoula lors des 06 premiers mois, selon les professionnels de la santé. Les rumeurs et les préjugés ont créé une psychose au sein de la population de ce département situé à 363.8 km d’Abidjan, Ce qui a provoqué l’abandon des structures sanitaires par les patients et praticiens. Nous sommes allés à la rencontre de ces agents de santé qui ont fait face à cette crise sanitaire.
Zuénoula, département situé dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, à 63 kilomètres de Bouaflé, son chef-lieu de région, n’a pas été épargné par la Covid-19. Les 32 477 ménages et les structures sanitaires que compte cette préfecture, ont subi de plein fouet les effets de cette maladie.
Mardi 28 septembre, Zuénoula sort progressivement de la pénombre. Le jour tarde à se lever sur la ville qui se remet progressivement de la grosse averse de la veille.
Ici, les souvenirs de la Covid-19 restent encore présents dans les esprits.
Annick Gohi Lou, est une jeune femme de 32 ans et mère de deux enfants. Rencontrée au quartier Sokoura, elle se dit « victime de la Covid-19 » qui non seulement a « périclité son commerce, mais l’a surtout empêché de suivre sa 3e grossesse ».
« Au début de la maladie, les consultations au service gynécologique étaient impossibles. Par manque de soins adéquats, j’ai perdu ma grossesse de trois mois », déplore-t-elle
Tout comme elle, Yvonne Tra Lou Zounan, n’a pas pu se rendre régulièrement à l’hôpital pour le suivi de son diabète.
« N’eût été les médicaments que mon fils aîné m’envoyait d’Abidjan par personne interposée, je ne serai plus de ce monde. Il n’y avait plus de soins ni de médicaments dans les deux pharmacies que compte la ville de Zuénoula », fait-elle savoir.
Tah Bi Djè est un retraité qui vit à Gononfla. « Compte tenu de la mesure de restriction de déplacement des personnes entre le Grand Abidjan et les autres villes du pays, je n’ai pas pu voyager pour toucher ma pension », se plaint-il
Dans une ambiance où se mêlent les odeurs pestilentielles des détritus charriés par les eaux de ruissellement et celles émanant de la terre argileuse, fermentée par le fleuve Bandama qui traverse le département, le docteur Jean-Jacques Gohorey Bi, nous reçoit. Ce médecin a été l’un des principaux acteurs de la lutte contre la maladie à coronavirus à Zuénoula. Il nous entretient entre deux consultations.
Avant d’entrer dans le fond du sujet, Gohorey Bi Tient à souligner qu’il Il n’y a pas eu de cas décès des suites de la Covid-19″, dans la localité.
S’agissant de l’ensemble de la zone, il est moins catégorique : « pour avoir de telles données, il va falloir investiguer sur les différents cas de décès. Nous n’avons malheureusement pas de statistiques ».
Il est vrai que la Côte d’Ivoire a connu lors des moments pics de la pandémie, une situation assez favorable avec un taux de létalité de la maladie relativement faible, avec 795 cas de décès du 11 mars 2020 au 10 mars 2022 dans l’ensemble du pays, selon les données de l’organisation mondiale de la santé (OMS).
Le Sénégal, par exemple, beaucoup moins peuplé a enregistré 1 890 morts de Covid pour la même période.
Selon les estimations tirées de la Fiche des Données sur la Population Mondiale basée sur des analyses du Population Reference Bureau, (PRB, basé à Washington), il y a eu en moyenne 6 % de décès supplémentaires (environ 188.000 personnes) en Afrique de Ouest pendant la pandémie de COVID-19 entre 2021 et 2022, par rapport à ce qui aurait été prévu en absence de la pandémie. Ce chiffre est le plus élevé Afrique subsaharienne.
Retour à Zuénoula : l’absence de décès dans cette localité ne veut pas cependant dire que la Covid n’a pas eu d’effet sur les populations et sur les services de santé. L’offre de soins en santé maternelle et infantile par exemple, a été très affecté par la pandémie.
Docteur Bédia Florent, gynécologue-obstétricien de l’hôpital souligne que « c’était plus grave au niveau des consultations prénatales. De 60 consultations hebdomadaires, nous nous retrouvions à 0. Par contre, les « femmes protégées » venaient ».
Les « femmes protégées » sont, celles qui en ayant déjà eu au moins un ou plusieurs enfants, décident d’opter pour les méthodes contraceptives afin de suivre le planning familial.
Selon le gynécologue, la taille de la population féminine en âge de procréer, s’élève à près de 12 dans la ville.
Docteur Bédia a également signifié qu’« Il y a eu quelques cas de grossesses chez les filles dans les établissements secondaires du département, mais les chiffres sont très marginaux ».
Les ruraux moins touchés que les citadins
Si la Covid a durablement impacté l’offre de soins au niveau des villes, il faut relativiser cela dans les centres de santé ruraux (CSR).
Binzra, un village situé à 12 kilomètres de Zuénoula avec un centre de santé rural composé d’un dispensaire et d’une maternité.
Pour Bléou Kouadio l’infirmier-major de ce centre, « le taux de de consultation qui était de 75 % a chuté pour se situer entre 10 et 15 %, au cours des trois premiers mois de la Covid-19″.
Pour Charles Kouédjiké, l’autre infirmier du village, « les rumeurs les plus fantaisistes diffusées à doses homéopathiques par des gens tapis dans l’ombre, ont été le prétexte tout trouvé par les populations pour ne pas fréquenter le CSR« .
Edith Brou est la sage-femme de la maternité de Manfla. Elle allègue que l’impact au début des deux premières semaines, pendant lesquelles les préjugés ont prospéré ».
Concernant les consultations prénatales, la maïeuticienne affirme, qu’elles ont été les « premières aides médicales à être rétablies au sein de la maternité ».
« En 2021, nous avons réalisé 2040 consultations prénatales et à la fin du 3e trimestre 2022, 979 consultations », témoigne-t-elle.
Comment les femmes ont-elles repris le chemin des consultations gynécologiques ?
Selon Edith Ahiba, sage-femme de la maternité de Manfla des rencontres foraines ont été organisées sous la conduite du préfet et de ses sous-préfets. Ils ont été aidés dans leur tâche par des agents de santé et des griots pour faire revenir les femmes aux consultations.
Concernant la planification familiale, Edith Ahiba nous apprend que « 1040 femmes et jeunes filles sont sous méthodes de contraception injectables et par implant.
A la protection maternelle et infantile de Zuénoula (PMI), l’accent est mis sur les autres programmes de vaccinations afin d’éviter des drames, surtout des épidémies, selon Michel Assemien Yapo, infirmier à la PMI.
« De 2020 à 2022, nous avons vacciné de 7765 personnes. Ces chiffres ne prennent pas en compte la Covid, car les femmes enceintes et les enfants qui forment notre cœur cible ne sont pas concernés par la vaccination anti-Covid-19 », a-t-il confessé.
Comme pour l’ensemble de la Côte d’Ivoire, Zuénoula a souffert de la Covid-19 mais a tenu bon. Les effets collatéraux sur la population ont été contenus, grâce à la mobilisation de toutes les entités.
Une mobilisation qui a permis d’amortir fortement les effets sur la démographie dans ce département dont la population totale recensée en 2021 est plus de 184.000 habitants.
Source : Rti.info