Le procès des 9 candidats au Bac tricheurs et leurs complices a eu lieu devant le tribunal de grande instance de Tambacounda. Récit d’une grosse machination et d’une bataille de procédures.
Quinze jeunes dont 9 candidats ont été jugés, la semaine dernière, pour fraude à un examen et association de malfaiteurs. Le procès a mobilisé du monde. Parents, amis et voisins, tous venus de Goudiri, ont tenu à soutenir, en présentiel, les jeunes prévenus. A un moment, ils ont cru que leurs jeunes protégés s’en tireraient à bon compte, sans que le procès aille à son terme. Puisque, dès l’entame du procès, l’avocat de la défense a évoqué un vice de procédure pour annuler le procès. Un débat s’est alors installé entre la défense et le parquet.
Le conseil de la défense a soutenu que la procédure normale, en cas de fraude constatée à un examen d’État, n’a pas été respectée. Dans un premier temps, a-t-il expliqué, la surveillante, en l’occurrence Fatou Dème, qui a surpris l’élève Aïssata Savané en train de tricher avec son téléphone portable, n’a pas suivi la procédure en l’espèce.
Selon Me Ba, la surveillante devait arrêter la candidate et confisquer tous les moyens susceptibles d’aider à la fraude. Ensuite, elle devait s’en ouvrir au président de jury, afin qu’une commission de discipline soit mise en place et qu’elle se saisisse de l’affaire.
A en croire l’avocat de la défense, la gendarmerie n’avait pas à mener l’enquête. C’était plutôt à la surveillante de rédiger un procès-verbal qui devait être cosigné par l’ensemble des surveillants et l’élève fraudeur lui-même. C’est ainsi seulement que la procédure administrative serait déclenchée, le candidat fraudeur présenté à la commission de discipline. Une fois que cette dernière aurait reconnu la culpabilité du suspect et sanctionné, la procédure pénale pourrait se déclencher.
Or, en l’espèce, aucune procédure administrative n’a été déclenchée et rien ne dit que, si elle l’avait été, on aurait reconnu le suspect coupable, a fulminé Me Ba.
Fort de toutes ces remarques, l’avocat de la défense a soulevé l’exception de nullité pour vice de forme.
Mais le parquet a battu en brèche tous ces arguments. Il s’en est suivi un combat juridique jusqu’à ce que le juge décide de joindre l’exception soulevée au dossier. Le procès s’est poursuivi et les accusés se sont présentés, tour à tour, devant le juge.
Il ressort de ces auditions devant la barre qu’il y a eu une énorme fraude organisée dans cette affaire. La bande, composée d’élèves candidats et d’étudiants, n’a ménagé aucun effort pour réussir son coup. Ainsi, les étudiants étaient chargés de corriger les épreuves pour les mettre à la disposition des candidats, via le groupe WhatsApp Bac2020 créé à cet effet. Chacun avait la mission de corriger les épreuves dans sa filière d’études. Il y avait Abdoul Gadjigo, étudiant L1 anglais ; Samba Ba, étudiant en géographie ; Abdou Thiam, étudiant en lettres modernes ; et Moussa Thiam, étudiant à la faculté des Sciences et techniques. Il y avait aussi Khousseyni Dembélé, étudiant 2e année du cycle ingénieur des transports, Mansour Lakh, étudiant en restauration. Eux aidaient en envoyant les corrigés dans le groupe WhatsApp.
Dans cette affaire, il est aussi à noter la rapidité et l’efficacité avec lesquelles les étudiants envoyaient les corrigés dans le groupe. A peine 45 minutes ou une heure après le démarrage de chaque épreuve, le corrigé était déjà disponible dans le groupe. C’est ainsi que le candidat Khadim Bassène Diop a expliqué que, lors de l’épreuve de Maths, qui avait démarré à 14 h 30 mn, il n’avait pas fait plus de 30 minutes en salle, avant de sortir. L’enquête a montré qu’à exactement 15 h 05 mn, il avait envoyé l’épreuve dans le groupe. Et à 15 h 40, l’étudiant Moussa Thiam avait envoyé le corrigé. Ce fut le même scénario avec l’épreuve de français.
En réalité, les candidats s’étaient organisés de telle sorte qu’un élève se sacrifie pour une matière qui n’a pas un grand coefficient pour lui, afin d’aider les autres à avoir les corrigés. Mis devant le fait accompli, un seul d’entre eux, Aïssata Savané, a avoué les faits. Elle a déclaré que, le premier jour de l’examen, quand elle est rentrée à la maison et qu’elle a allumé son téléphone, elle a vu les messages dans le groupe. Au deuxième jour, elle est partie avec son téléphone pour avoir le corrigé de l’épreuve de Maths. Une matière dans laquelle elle traîne d’importantes lacunes. C’est au moment où elle consultait son téléphone qu’elle a été prise.
Les autres membres de la bande ont tous nié avoir intégré le groupe pour tricher. Abdou Gadjigo, qui a créé le groupe, la veille du Baccalauréat, c’est-à-dire le 1er septembre, n’a pas convaincu le juge que le groupe n’avait pour seul objet que d’aider à corriger les lacunes des uns et des autres.
De ce fait, dans son réquisitoire, le procureur de la République a sermonné les jeunes qui, selon lui, jouent avec leur avenir. Il a demandé une sanction d’avertissement de 6 mois assortis du sursis. La défense a, elle, plaidé la relaxe pure et simple de ses clients qui sont, à ses yeux, victimes d’une injustice, car 6 d’entre eux ont été déclarés admissibles et qu’on aurait dû les laisser finir la session. Le juge, après avoir entendu les plaidoiries, a renvoyé le délibéré au 30 septembre 2020.
Source : adakar