Le médicament « sera utilisable pour les patients qui ne répondent pas aux vaccins », a expliqué ce mercredi sur franceinfo, Mathieu Molimard, professeur en pharmacologie et président du CHU Pellegrin, à Bordeaux.
« Il ne faut pas s’attendre à un médicament miracle qui va tout changer », a estimé Mathieu Molimard, professeur en pharmacologie, président du CHU Pellegrin, à Bordeaux (Gironde), mercredi 27 octobre sur franceinfo, alors que la France a commandé 50 000 doses de molnupiravir, la pilule anti-Covid 19 du laboratoire américain Merck.
franceinfo : Ce serait le premier traitement par voix orale contre le Covid-19, que sait-on de son efficacité ?
Mathieu Molimard : Ce médicament est un faux composant de l’ARN. Ce faux composant fait qu’on fabrique un faux ARN, et que ce virus n’arrive plus à se reproduire. C’est un mécanisme intéressant qui a montré son intérêt chez l’animal, et qui maintenant montre un intérêt chez l’homme. Avec cinq jours de traitement, deux doses par jour, cela éviterait 50% d’hospitalisations et de décès. Mais il faut faire attention, cette étude a été faite avec 400 patients traités environ, elle a été arrêtée a mi-course car les résultats étaient satisfaisants. C’est un peu comme si vous jugiez le tiercé à mi-course parce que votre cheval est devant. On aimerait bien savoir si le cheval tenait sur la durée, et quels étaient les risques en termes d’effets indésirables. Ces 50%, il faut les ramener en valeur absolue, on évite environ 25 hospitalisations pour 400 patients traités. C’est bien, mais ce n’est pas la révolution non plus.
Ce n’est donc pas le médicament miracle ?
Il ne faut pas s’attendre à un médicament miracle qui va tout changer. Ce sont des petits progrès qui se rajoutent les uns aux autres, qui doivent s’associer aux mesures barrières, aux masques, au gel hydroalcoolique, au fait de se faire tester, se faire vacciner. Je suis désespéré quand je vois encore des patients qui arrivent en réanimation à l’hôpital, saturer nos hôpitaux alors qu’ils sont non vaccinés. Faites-vous vacciner, cela marche à 90%, et c’est sûr.
La France a-t-elle raison de passer commande dès aujourd’hui de ce médicament ?
On est dans des choix qui sont politiques, dans une compétition internationale. Donc il faut avoir des doses et se donner toutes les chances. 50 000 doses, il faut 10 doses pour faire un traitement, cela fait 5 000 patients. Cela sera utilisable pour les patients qui ne répondent pas aux vaccins, qui sont avec des immunosuppresseurs et qui ont de fortes chances d’aller à l’hôpital. Ce n’est pas pour tout le monde.
Il existe d’autres traitements, les corticoïdes, il y a également les anticorps de synthèse. Est-ce que l’on progresse sur cette question aujourd’hui ?
Les corticoïdes ont été une avancée pour les patients en réanimation, sur la phase inflammatoire de la maladie. Pour la phase précoce, virale, les anticorps monoclonaux peuvent être utilisés. C’est mieux d’avoir une forme orale comme le molnupiravir, mais un antiviral ne suffira probablement pas. On a des traitements efficaces quand on agit à plusieurs niveaux de reproduction du virus. Le virus n’est pas une bactérie, il rentre dans nos cellules, et pour le bloquer, si on agit trop fort, on tue nos cellules, il faut donc le bloquer à plusieurs endroits. Il faut plusieurs médicaments, souvent en combinaison.
Dans sa dernière étude, le professeur Jean-François Delfraissy, qui préside le Conseil scientifique, estime que 20% des lits de l’hôpital public sont fermés, faute de personnel. Est-ce le cas chez vous au CHU de Bordeaux ?
La situation actuelle est dramatique, on est proche du plan blanc. Il y a des secteurs où l’on manque de 20% de personnel. On a des blocs opératoires qui sont fermés, des listes d’attentes qui s’allongent. Des patients qui sont devant les urgences, pour lesquels on n’arrive pas à trouver de lits. Il faut certainement revaloriser ces carrières, revaloriser le travail de nuit, et aider ces personnels. Il faut arrêter l’hémorragie, il faut aider l’hôpital. C’est se faire vacciner contre la grippe, se faire vacciner contre le Covid-19 pour que l’on ne soit pas obligés de déprogrammer des opérations et ne pas soigner les autres maladies qui sont en train de s’accumuler à la porte de l’hôpital.
Olivier Véran parle ce matin dans Libération d’une hausse de l’absentéisme d’environ un point. Dit comme cela, cela ne fait pas beaucoup, mais à l’échelle de tous les hôpitaux de France, cela fait des centaines et des centaines de soignants qui ne viennent plus travailler. Constatez-vous cela autour de vous ?
Il y a une grande fatigue, cela fait 20 mois que nous sommes sur le pont. Les soignants sont exténués et se remplacent les uns les autres. C’est pour cela qu’on ne peut pas accepter d’avoir des soignants non vaccinés à l’hôpital. Pour protéger les patients, mais aussi protéger les collègues. On a maintenant très peu de soignants qui ne sont pas vaccinés. Plus de 99,9% des soignants de l’hôpital de Bordeaux sont vaccinés. Il y a quelques réfractaires qui sont victimes de désinformation.
Source : francetvinfo