Une maison de santé désertée
Billé, 1 047 habitants, n’est pas le bout du monde : même aux heures de pointe, on rejoint Rennes en quarante minutes, Vitré en quinze, Fougères en moins de dix. Le village vient pourtant de devenir un désert médical : un des deux médecins généralistes de la commune, qui y exerçait comme remplaçant (par choix) depuis trois ans, a annoncé à la rentrée qu’il cesserait ses consultations fin septembre. Sa consœur a préféré partir elle aussi plutôt que de continuer seule, même si la vaste maison de santé du village, construite en 2015 par le syndicat intercommunal réunissant Billé et les villages de Parcé et Combourtillé, compte aussi sept infirmières et deux kinésithérapeutes. Leurs 1 500 patients se sont retrouvés sans médecin référent, et ont été invités à récupérer leur dossier médical sur une clé USB.
Des remplacements difficiles
Les patients les plus chanceux ont trouvé un autre généraliste acceptant de les suivre, « en moyenne à 20 kilomètres de Billé », explique le maire, Daniel Balluais. D’autres viennent le voir ou l’appellent, faute de solution. Remplacer deux praticiens s’annonce compliqué, malgré les conditions favorables, décrites dans un message sur le site SOS Villages : la commune « conviviale », la patientèle semi-rurale « très agréable et enrichissante », la maison de santé à l’équipe pluridisciplinaire « dynamique », aux loyers « modérés » et aux charges partagées. Personne ne s’est manifesté. Avec les autres élus de l’intercommunalité, Daniel Balluais a réuni les acteurs locaux de la santé, posté une coûteuse annonce sur un site spécialisé : « On est prêts à étudier toutes les solutions, y compris des permanences ponctuelles de médecins, et à salarier un médecin qui s’installerait. »
Une tendance générale
Si Daniel Balluais et ses administrés sont inquiets, c’est que leur village du nord-est de la Bretagne est loin d’être un cas isolé. « Une commune des environs cherche un médecin depuis cinq ans, pourtant elle aussi a investi dans une maison de santé. » A l’échelle nationale, 11 % de la population (7,4 millions de personnes) vit dans une commune sous-dotée en médecins généralistes, soit une hausse de 2,5 points en trois ans, selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) en février 2020. De nombreuses mesures tentent d’inciter les médecins à s’installer dans ces territoires – primes, défiscalisation, facilitation du travail en réseau, création de maisons de santé… –, avec des résultats insuffisants. D’autant que la tendance générale se dégrade : plus de la moitié des médecins généralistes ont 55 ans ou plus et les installations ne suffisent pas à compenser les départs à la retraite.
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L’Assemblée s’en mêle
Pour le député Thierry Benoit (UDI), le départ des médecins de Billé, situé dans sa circonscription, a servi d’« élément déclencheur » : il a déposé le 30 novembre, avec 54 députés, une proposition de loi contre la désertification médicale. A l’instar d’une proposition de loi du communiste Sébastien Jumel, qui devait être débattue le 2 décembre à l’Assemblée, elle vise à obliger les jeunes médecins à commencer leur carrière dans une zone sous-dotée. Jacques Battistoni, président du premier syndicat de médecins généralistes, MG France, prône pour sa part le développement du métier d’assistant médical, afin d’aider chaque praticien à suivre 1 500 à 2 000 patients, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas.
Il proposera aussi, lors du colloque de MG France ce week-end, de prolonger l’internat des futurs généralistes par une année dans des cabinets libéraux répartis sur tout le territoire. Pour susciter des vocations, mais sans contraindre.
Source : lemonde