Le Burkina Faso fait partie des dix pays au monde les plus touchés par le paludisme. Pour aider à lutter contre cette maladie, des chercheurs burkinabè misent sur un champignon génétiquement modifié.
Il s’appelle « Metarhizium pingshaense ». Ce minuscule champignon suscite l’espoir d’une équipe de huit scientifiques de l’Institut de recherche en sciences de la santé du Burkina Faso (IRSS), basé à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays. Naturellement, ce champignon tue toute une série d’insectes, dont des moustiques. Mais il les tue lentement. L’objectif des scientifiques est de modifier génétiquement ce champignon pour accroître sa virulence contre le moustique anophèle, responsable du paludisme. En 2018, selon les statistiques du ministère de la Santé, plus de 11 millions de cas de paludisme ont été enregistrés dans les centres de santé, causant 4 294 décès. C’est du reste la première cause de consultation, d’hospitalisation et de mortalité dans le pays.En collaboration avec des chercheurs américains de l’université du Maryland, ces scientifiques de l’IRSS ont ainsi travaillé à intégrer dans l’ADN du champignon, un mécanisme permettant de libérer une nouvelle toxine dans ses spores.
Cette toxine provient du venin d’une araignée, l’Hadronyche versuta, originaire d’Australie. « Pour s’attaquer à ses proies, cette araignée secrète naturellement des neurotoxines d’arthropodes », explique le chercheur principal de l’équipe, Abdoulaye Diabaté. Selon lui, la toxine attaque le système nerveux du moustique et détruit son sang. L’équipe a mené ses activités de recherche dans un milieu semi-naturel qu’elle a créé et appelé la malaria sphère, construite à Soumousso, à environ 40 km de Bobo-Dioulasso. Le projet a duré 4 ans. Les scientifiques ont utilisé des populations d’anophèles gambiae collectées sur le terrain et élevées en laboratoire. Dans une interview donnée à Sidwaya en juillet 2019, M. Diabaté donnait le principal résultat, les moustiques en contact avec la souche transgénique ont eu une durée de vie plus courte avec 100% de morts entre 2,5 jours et 5 jours, que ceux qui ont été en contact avec la souche sauvage, 50% à 70% tués au bout de 14 jours.
« Par rapport à la souche sauvage, la souche modifiée tue les moustiques anophèles deux fois plus vite » précise aujourd’hui Dr, Diabaté. En février 2020, cette découverte a valu au groupe de chercheurs l’obtention du prix annuel de l’Association américaine pour l’avancement de la science (AAAS). « Cette recherche innovante est un plus dans la lutte contre le paludisme, car elle s’attaque directement au vecteur de transmission de la maladie », se réjouit le coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) au Burkina Faso, Dr Gauthier Tougri.
Un insecticide fiable en cours
Les travaux sont en cours pour connaître le mode d’utilisation le plus efficace de cette découverte. « Les champignons tuent les insectes par contact, comme les insecticides chimiques. Des pistes d’utilisation se dégagent dans ce sens », avance M. Diabaté. Pour le chercheur, « la prochaine étape sera d’évaluer l’efficacité du produit en le testant à petite échelle avec une pulvérisation dans des foyers ». Il assure que cette toxine de l’araignée n’a aucun effet sur la santé humaine et l’environnement. « Le Metarhizium est spécifique à certaines espèces d’insectes. Aucune relation entre le genre Metarhizium et les pathogènes humains ou animaux n’a été décelée à ce jour » affirme Dr Diabaté.
Selon lui, ce champignon a déjà été utilisé comme composant de pesticide. Il précise qu’à partir de 2006, on dénombrait 47 différents produits commerciaux à base de ce champignon utilisés dans le monde entier sans que des effets néfastes ou risques pour les vertébrés n’aient été signalés. « Pendant nos essais, nous avons testé notre champignon sur les organismes non cibles incluant les abeilles et n’avons trouvé aucun impact négatif sur l’abeille » insiste-t-il. « Mais avant de passer aux essais à l’échelle des populations, ce qui peut encore prendre plusieurs années, nous travaillons sur notre relation avec les communautés » précise Diabaté Abdoulaye. Et d’assurer qu’il n’y a pas de contestation vis-à-vis de la recherche qu’il mène mais il faut toujours travailler à rassurer la population.
« Ce type de travaux qui impliquent des modifications génétiques est hautement réglementé », indique le chargé principal du Réseau d’expertise africain en biosécurité, un programme du NEPAD (le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique), Dr Moussa Savadogo. La loi burkinabè encadre aussi ces expérimentations. « L’autorisation de conduire lesdits travaux de recherche a été dûment octroyée par l’Agence nationale de biosécurité (ANB) parce que le risque sanitaire a été évalué en totalité », confirme-t-il. Cette recherche est entièrement financée par National Institutes of Health (NIH), un centre de recherche gouvernemental américain.
Source : aouaga