Tribune. Le projet de « grande Sécu » permettrait une avancée de l’égalité d’accès aux soins, c’est-à-dire une intégration complète de l’ensemble des patients, quels que soient leur condition de ressources et leur âge, dans le système de soins français. L’iniquité induite par la coexistence de deux systèmes de prise en charge – l’assurance-maladie obligatoire (AMO) d’une part, les assurances-maladie complémentaires (AMC) d’autre part – ont déjà été largement débattues ces dernières semaines.
Le financement de la « grande Sécu » profiterait de l’économie des frais de gestion et de marketing, qui représentent de l’ordre de 20 % des primes collectées ; faire de l’Etat le garant d’un accès aux soins pour tous serait un pas de plus dans le rapprochement entre l’Assurance-maladie et l’Etat entamé depuis 2004.
Aujourd’hui, le débat se centre sur le rôle des assurances-maladie complémentaires (AMC). La question est certes importante, mais elle nous détourne d’une autre question au moins aussi importante : avons-nous la capacité de disposer d’une offre suffisante de soins pour accompagner cette « grande Sécu » ? Avec la « grande Sécu », les assurances privées de santé n’interviendraient en effet plus que sur les soins qui ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale.
Appauvrissement du panier de soins
Les assurances-maladie privées, dites alors supplémentaires (AMS), interviendraient ainsi sur un marché où il n’y aurait aucune intervention de l’Etat. L’accès aux soins serait donc d’autant plus égalitaire que le marché des AMS serait restreint. La taille du panier de soins couvert par l’assurance publique déterminerait par conséquent l’étendue de l’égalité de l’accès aux soins.
Or, la tendance actuelle est à l’appauvrissement du panier de soins. D’une part, le maillage des établissements hospitaliers se réduit, le nombre de lits diminue ; d’autre part, il y a une insuffisance chronique de médecins et de personnel médical non seulement dans les établissements de santé, mais également « en ville ».
Cela nous amène à la question des dépassements d’honoraires, autant dans le secteur hospitalier et les cliniques que pour la médecine de ville. Il s’agit de savoir ce qu’impliquerait la « grande Sécu » sur les différents types de tarifs que peuvent proposer les praticiens. Aujourd’hui, l’AMO rembourse 70 % du tarif de base conventionné.
La question des dépassements
Le reste à charge du patient est 30 % du tarif de base conventionné, à quoi s’ajoute la différence entre le tarif du praticien et ce tarif de base. Cela reste transparent pour une très large majorité des Français, car cette part est prise en charge par leur complémentaire. Avec la « grande Sécu », qui prendra en charge ses dépassements ? Laisser le patient en assumer les dépenses introduirait de fortes inégalités d’accès aux soins dans un système qui se veut pourtant plus égalitaire.