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Santé / La technique de peau à peau, ou quand les mères-kangourous sauvent les bébés prématurés à l’hôpital général de Gagnoa
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3 ans depuissur
Dans la région du Gôh, bien que le taux de mortalité des mères en couche soit en baisse notable, celui des nouveau-nés demeure encore élevé, surtout les prématurés. Un exemple qui a droit de cité : l’hôpital général de Gagnoa, rebaptisé ‘Hôpital du Bonheur’. Le directeur de cet établissement a sollicité depuis juin 2021 le service de pédiatrie du CHU de Bouaké pour la mise en place d’une unité de soins “mère kangourou”. Incursion dans l’univers des “mères kangourous “où la technique de ‘contact peau à peau précoce, continu et prolongé’ permet de sauver les bébés prématurés.
Dans l’univers des mères-kangourou
“L’hôpital du Bonheur de Gagnoa”, ce nom a été donné par le directeur dudit hôpital, Dr Kouakou Adolphe, en poste depuis 2019, estimant que cet édifice construit et livré officiellement par la coopération chinoise à la Côte d’Ivoire en mars 2013 ne méritait pas d’être appelé ‘Chinetock’ par la population. Le logo qui symbolise l’hôpital général de Gagnoa, en Chine, est la croix du Bonheur. « Donc de l’hôpital ‘Chinetock’, nous sommes passés à l’hôpital du Bonheur », clarifie-t-il.
Les soins au bâtiment “hospitalisation pédiatrique” sont assurés par deux médecins et des sages-femmes et infirmiers. Sur la gauche, la salle des couveuses. Juste à côté, dans une autre salle, cinq mères habillées de lourds peignoirs blancs tiennent contre leur poitrine de magnifiques et minuscules petits bonhommes attachés dans un pagne. « Vous êtes dans l’unité de soins “mère-kangourou”,” indique Dr Asséré
Dame Ipaud Laurette, 27 ans, dont le bébé est né après sept mois et demi de grossesse, soit 30 semaines, avec un poids de 1 150 g est internée avec son bébé depuis six semaines. Chaque jour, Laurette le tient contre sa poitrine huit heures durant, au chaud, et en profite pour l’allaiter. Cette séance se fait alternativement avec la mise en couveuse du bébé la nuit tombée. Au bout de six semaines, le prématuré pesait 1,5 kg. « Je sens mon enfant se fortifier petit à petit », nous dit-elle, avec un petit sourire.
« C’est formidable! Monsieur, Dieu est bon », réagit sa voisine, dame Kouakou Akissi Christelle, la vingtaine, qui a eu un prématuré de 1 300 g après 28 semaines de grossesse. Elle a suivi le protocole, jusqu’à ce que le bébé pèse deux kg. Depuis cet instant, elle est autorisée à rentrer chez elle avec son bébé, pour poursuivre les séances et à revenir avec lui, deux fois par semaine, pour des séances de “peau à peau” sur place, encadrée par le personnel. Ce jour-là, son bébé était à 3,2 kg après trois mois de “peau à peau”.
« Si vous avez des prématurés, ne désespérez pas. Venez », renchérit dame Evi Amany Séraphin, une jeune mère qui a eu un petit prématuré de 35 semaines, et dame Dembélé Fatoumata, dont le bébé pesait 1 500 g à la naissance de 30 semaines et deux jours. Il a aujourd’hui 2,5 kg après sept semaines de pratique.
D’un à deux kg, l’enfant et la maman sont internés. Couveuse pour le bébé et chambre pour la mère, avec des séances journalières de huit heures de “mère kangourou”. “Après deux kg, la maman répond au rendez-vous, deux fois par semaine. Le but est de savoir si l’enfant à un poids pondérable », explique la sage-femme.
La mère continue de venir jusqu’à ce que l’enfant ait 3, 5 kg. Au-delà de 3,5 kg, la mère vient une fois toutes les deux semaines. Après 4 kg, le bébé aura entre quatre et cinq mois, l’on peut arrêter la séance de mère kangourou, qui est somme toute, épuisante pour la mère.
Le directeur, Dr Kouakou Adolphe, du reste spécialiste en radiologie, explique que son hôpital a eu des prématurés de 900 g. « Tous ceux-là ont pu être sauvés par cette technique innovante ». Il ajoute que ” c’est un système initié par les Dr Edgar Rey Sanabria et Martinez en 1978 à Bogota en Colombie et qui a été instauré officiellement pour la première fois en Côte d’Ivoire en 2019, avec l’ouverture de la toute première unité de soins “mère-Kangourou” au Chu de Treichville”.
Il fait savoir que selon les spécialistes, cette technique de peau à peau augmente les chances de survie des bébés prématurés. En effet, le simple fait de serrer son bébé contre sa peau après l’accouchement est une intervention hautement efficace et facile à réaliser qui a démontré son efficacité pour sauver la vie des prématurés et de faibles poids à la naissance.
A titre d’exemple, le chef de service de pédiatrie du CHU de Bouaké, le Professeur Assé Kouadio Vincent, a révélé que dans son service, 250 bébés pris en charge de manière conventionnelle en couveuse et 230 autres, par le système de mère kangourou a permis de faire le constat suivant. Il y a eu plus de décès chez les bébés mis en couveuse, que ceux pris en charge dans l’unité mère kangourou.
Hôpital du Bonheur, l’unique hôpital général à posséder une unité de soins “mère kangourou”.
Bâti sur une superficie de quatre hectares, l’hôpital général de Gagnoa est un don de la coopération chinoise à l’Etat de Côte d’Ivoire. Il se compose de 15 bâtiments avec toutes les spécialités d’un hôpital général et même d’un CHR. Bientôt dix ans après son ouverture officielle par le chef de l’Etat Alassane Ouattara le 3 mars 2013, l’hôpital du bonheur mérite bien son nom avec l’arrivée du Dr Kouakou en 2019.
De 20 800 consultations en 2019, l’hôpital est passé en fin 2021, à 30 594 consultations, soit un accroissement de plus de 50%, témoignant d’une confiance renouvelée de la population en son hôpital. Le taux de décès de 6,2% dû à la perte de nombreux enfants dans le service de pédiatrie a été réduit à 4,29%, avec l’encadrement du professeur Assé. Le taux de mortalité a baissé, du fait de la baisse drastique en pédiatrie, car ce seul service représentait environ la moitié des cas de décès.
Dans cette démarche qualité mise en place, le constat a montré que le taux de décès diminuait, même s’il demeurait élevé chez les prématurés. Ce qui a conduit depuis le mois de juillet 2021, à mettre en place une unité de soins “mère kangourou”, la seule dans un hôpital général de Côte d’Ivoire. « En six mois d’activité (juillet-décembre 2021), 35 enfants sont passés ici et nous en avons perdu très peu et cela nous a permis de relever nos chiffres et de pouvoir réactiver la confiance de nos clients à notre structure », a soutenu le directeur.
Quelques insuffisances dans la pratique “mère kangourou.”
Lancée le 23 juillet 2021, l’unité de soins “mère kangourou” a enregistré au 31 décembre 2021, quarante et un (41) bébés prématurés. Le programme qui venait d’être lancé a malheureusement enregistré sept décès en cinq mois, regrette le directeur Kouakou Adolphe. Il fait remarquer que la majorité de ces décès relève du suivi. Après que le bébé a atteint un poids proche de deux kg et que la maman, sur son insistance a été autorisée à rejoindre son domicile. « Un mort c’est beaucoup et donc, cinq, c’est trop », s’offusque le directeur, dont l’équipe est à pied d’œuvre pour trouver des solutions, car le non-respect du protocole, notamment le respect des rendez-vous par les mères après leurs sorties de l’hôpital constitue l’un des facteurs aggravants.
Le resserrement du protocole d’encadrement des mères n’a pas permis d’éviter deux autres décès, sur huit bébés prématurés entre le 01 janvier et le 24 février 2022. Un seul bébé, parmi les 49 (juillet 2021-24 février 2022) est décédé à l’hôpital. « Les autres bébés nous ont été ramenés en catastrophe dans un état difficile», déplore le personnel.
Cette volonté de rendre le suivi de plus en plus efficace, a été confirmée par le professeur Assé, qui encadre toute l’unité de soins “mère kangourou” de l’hôpital général de Gagnoa. « Ce que je puis vous dire, est qu’au vu des statistiques, l’unité de soins est beaucoup fréquenté, mais le problème est d’avoir un meilleur suivi, de sorte que les enfants qui sortent d’ici, l’on puisse les revoir, afin de réduire encore les pertes en vie », a-t-il dit.
Un bel exemple de coopération entre deux hôpitaux.
Pour le chef de service de pédiatrie du CHU de Bouaké, le Professeur Assé Kouadio Vincent, « c’était la première du genre en Côte d’Ivoire ». Le diagnostic a montré que la mortalité était élevée. La réponse à cela, a consisté à former le personnel trois mois durant, pour aider à réduire la mortalité générale des enfants, et surtout chez les prématurés. La stratégie trouvée était d’ouvrir une unité rattachée à l’unité de néonatologie. A ce niveau, l’observation a montré une augmentation de la fréquentation de l’unité, une diminution de la mortalité des prématurés et de manière générale, des enfants, ce qui a fait qu’en fin d’année, non seulement le niveau de consultation a augmenté, mais aussi, il y a eu une diminution importante du taux de mortalité.
« L’objectif étant atteint, il va falloir poursuivre l’accompagnement de l’unité. C’est devenu comme une unité du CHU de Bouaké, et nous la suivons au quotidien », conclut le professeur. « C’est un bel exemple de coopération entre un hôpital de niveau trois et un hôpital de niveau deux. La première du genre en Côte d’Ivoire », a, qui a rappelé que c’est un courrier officiel du directeur de l’hôpital général de Gagnoa, qui a sollicité l’aide du CHU de Bouaké, après avoir révélé que la mortalité au niveau des enfants dans son hôpital était élevée
Les unités mères-kangourou, une alternative aux couveuses
Non seulement c’est le seul et unique hôpital général en côte d’Ivoire à posséder une unité soins mère kangourou, vu que les six autres sont soit dans des CHU, soit dans des CHR mais c’est aussi, le seul établissement hospitalier à l’avoir initié de lui-même (méthode mère Kangourou) et supporter son financement initial. L’appui de l’Unicef est intervenu plus tard, notamment, par le don des gobelets. Les autres unités de soins existant l’ont été par la volonté des autorités étatiques.
Il y a aujourd’hui sept unités de soins “mère-Kangourou”, mis en place par le programme mère enfants, en collaboration avec l’Unicef. Et l’hôpital général de Gagnoa fait partie intégrante dans ce processus, dont la vision du programme de santé mère enfants est d’étendre l’échelle aux unités de soins “mère Kangourou”, parce qu’effectivement, cela permet de réduire la mortalité.
« L’approche pour permettre aux enfants prématurés pour avoir une meilleure prise en charge, de notre point de vue, est celle de soins mère kangourou », a affirmé le professeur de pédiatrie. Il a indiqué qu’avec ses collègues, de la société ivoirienne de pédiatrie, structure dont il assure la vice-présidence, ils comptent déployer tous leurs efforts, pour pouvoir ouvrir beaucoup plus d’unités de soin mère kangourou à travers toute la Côte d’Ivoire. « Mais notre projet immédiat, c’est Daloa », a annoncé le praticien.
Comment équiper toutes les structures en unité de soins mère enfants. Voilà toute la problématique, quand on sait que la médecine traditionnelle demeure très attachée aux couveuses, sans compter que la technique de la mère kangourou peut s’avérer parfois éprouvante pour la maman. L’unité de soin mères-kangourou, une alternative à la couveuse. Une hypothèse plausible.
Source : AIP