A la faveur de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle célébrée chaque 28 mai et qui vise à briser les tabous et sensibiliser à l’importance d’une bonne hygiène menstruelle chez les femmes, en particulier les adolescentes à travers le monde, il est organisé des activités dénommées « 72 heures de menstrues en Afrique », un projet de lutte contre la précarité menstruelle. L’AIP est allée à la rencontre de la présidente du comité d’organisation de cette activité en Côte d’Ivoire, Mme Khady Cissé-Binaté, sage-femme de profession, présidente de l’Organisation pour la santé de l’enfant, de la femme et de la famille (OSEFF) et par ailleurs, présidente de la Fédération des mouvements et associations de jeunesse de Côte d’Ivoire (FEMAJECI).
Qu’est-ce que l’hygiène menstruelle ?
Kkady Cissé-Binaté: L’hygiène menstruelle, c’est comment gérer les menstrues (les règles) chez la femme/fille, quelles sont les alternatives, les informations à avoir pour une bonne hygiène. Parler, gérer, accéder aux alternatives… que de tabous sur ce phénomène qui est naturel! Il faut briser cela.
Pour ce qui concerne les alternatives, il y a les serviettes réutilisables, les jetables…
Il faut aussi insister sur les fréquences de changement de ces serviettes puisque c’est du sang qui sort par le vagin, et cela peut créer des odeurs et des infections si ce n’est pas fait à temps.
Nous intervenons surtout sur les jeunes filles, que ce soit en zone scolaire, rurale et carcérale. Dans notre ONG, nous mettons l’accent sur les serviettes réutilisables qui non seulement protègent l’environnement, mais permettent d’éviter la précarité en faisant des économies.
Aussi, lorsqu’une femme constate des dysménorrhées (douleurs pelviennes survenant au moment des règles), nous leur conseillons de se rendre dans un centre de santé pour se faire consulter et avoir des informations.
Quelles sont les conséquences de ce manque d’hygiène ?
KCB : Pour exemple, au cours des séances de sensibilisation des jeunes filles et/ou élèves, nous les invitons à bien entretenir leurs serviettes réutilisables avec de l’eau propre, du savon, bien les sécher au soleil et bien les garder pour le mois suivant.
Nous leur parlons également du cycle menstruel qui est un atout pour elles. A quels moments elles sont plus fécondes et comment gérer cela, c’est-à-dire que pendant la période d’ovulation, les hormones vont « parler ». Bien que nous prônions l’abstinence jusqu’au mariage, nous sommes réalistes en leur expliquant qu’à la période d’ovulation, elles auront l’envie de faire l’amour, elles seront plus joviales… Ainsi, elles devront s’organiser pour éviter des rapports sexuels non protégés pour éviter les IST et les grossesses non désirées. Nous leur donnons aussi des conseils pour leur toilette intime et les invitons à aller régulièrement chez un gynécologue ou dans les médico-scolaires sans attendre d’être malade.
Pourquoi «72 heures » ?
KCB : « 72 heures » correspond à la moyenne de l’écoulement des menstrues chez une femme. Et c’est cet itème que nous avons choisi pour ce projet. Imaginez une femme qui pour des douleurs ne peut pas bouger pendant 72H, qui n’a pas accès à des protections hygiéniques pendant 72h, une élève qui ne peut aller en classe pendant 72h? Essayer de voir une personne qui ne peut faire d’activités pendant 72h sans sa volonté: nous voulons lutter contre ce stress par des activités de plaidoyer…
Par exemple pour la femme rurale, c’est une occasion pour elle de moins travailler, elle doit plus ou moins se reposer car elle peut avoir des douleurs, être de mauvaise humeur…
“72H de menstrues” qui est à sa première édition en Afrique se fait avec huit pays, à savoir, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Gabon, la Guinée, le Niger et le Sénégal, qui la célébreront de manière concomitante. Ces 72h permettront de repenser les choses, faire bouger les lignes, faire sauter les verrous, les ségrégations, des portes d’accès aux protections hygiéniques.
En Côte d’Ivoire, ces activités seront déclinées en trois phases, le matin du 26 mai dès 09 heures, il y aura le Flash mob (une mobilisation) avec tous les membres de cette activité au Grand carrefour de Koumassi ; le 27 mai, il y aura une Conférence de presse et le 28 mai, nous terminons avec des panels avec des spécialistes.
Aussi, depuis le 1er mai, nous collectons des serviettes et produits hygiéniques en espèces comme en nature pour les redistribuer après à notre cible. Nous intervenons aussi depuis cette même période dans les médias pour expliquer aux populations cette activité et les mobiliser à s’approprier ce principe.
Vos souhaits
KCB : Il faut faire quelque chose pour aider les filles/femmes qui vivent dans la précarité à avoir des serviettes. Nous remercions déjà nos partenaires et invitons les personnes de bonne volonté, la société civile à se joindre à nous pour rendre cette activité pérenne car avoir ses menstrues n’est pas un choix, mais une chose normale et naturelle: l’humanité part des menstrues; c’est la vie !
Source : AIP