Tribune. Avec la pandémie, les politiques de santé occupent le quotidien des Français depuis bientôt deux ans. Elles sont entrées dans nos vies, et pas seulement dans celles des personnes malades ou directement concernées, comme c’est d’ordinaire le cas. Les questions de santé peinent pourtant à se frayer un passage dans les débats présidentiels. La « grande Sécu », c’est-à-dire l’intégration des assurances complémentaires santé dans la Sécurité sociale, est aujourd’hui proposée par un rapport commandé par le ministre de la santé, Olivier Véran, au Haut Conseil sur l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM). Au-delà des arguties techniques et des conflits d’intérêts, quels équilibres sont en jeu pour notre système de santé ?
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Relevons d’abord qu’un élargissement de la Sécurité sociale s’inscrit dans une tendance de fond. A rebours des analyses qui prédisaient l’érosion du financement public de la santé au profit des couvertures privées, c’est le mouvement inverse qui a prévalu. Même si une part des soins courants reste à la charge des usagers, la part des dépenses remboursées par la Sécurité sociale s’est accrue, pour atteindre 78,2 % de la consommation médicale. La réforme du « 100 % santé », instauré en 2019, pour l’optique, les soins dentaires et les prothèses auditives traduit une même tendance, qui n’est ni nouvelle ni propre à la France. Le risque maladie fait aussi l’objet d’une socialisation accrue sur les terres très libérales de l’Obamacare ou à travers le principe de couverture maladie universelle promu par les Nations unies.
Effet inflationniste
Que peut-on attendre, dès lors, d’une « grande Sécu » ? En augmentant la part des dépenses de santé prises en charge par l’Assurance-maladie, la réforme pourrait provoquer la disparition des complémentaires santé – que les Français appellent des « mutuelles », mais qui sont aussi des sociétés d’assurance ou des institutions de prévoyance. Elle mettrait fin à un système dual qui semble de moins en moins soutenable aujourd’hui. Les complémentaires santé sont, en effet, entraînées dans la spirale de la concurrence et des fusions capitalistiques sous l’effet des règles prudentielles européennes (dites « Solvency II »). Elles offrent des services et des protections inégalitaires, proportionnels aux revenus des ménages ou aux capacités des entreprises. Elles laissent mal couverts une partie de nos concitoyens éloignés du marché du travail, notamment parmi les retraités.
Source : lemonde