Le gouvernement canadien a rappelé, fin mars, des millions de produits contenant le nanomatériau aux propriétés réputées virucides. Quatre ONG réclament une mesure similaire en Europe.
C’est une banale photo d’Ursula von der Leyen, parue en février dans Bild, le premier quotidien allemand, qui a permis de lever le lièvre. Car à l’intérieur du masque FFP2 en plastique jetable qu’y porte la présidente de la Commission européenne se cache une fine couche de graphène, un nanomatériau révolutionnaire, synthétisé il y a une petite vingtaine d’années. Ultralégers, ultrarésistants, imperméables et excellents conducteurs, ces flocons de carbone sont de plus en plus prisés par l’industrie, notamment dans les équipements électroniques. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, on leur a découvert des propriétés antivirales qui ont poussé de nombreuses entreprises à concevoir des masques contenant du graphène plus efficaces, selon eux, pour lutter contre le coronavirus.
Le problème, alertent dans une lettre envoyée début avril à la Commission européenne quatre organisations spécialisées dans les questions de santé environnementale – ETC Group, Center for International Environmental Law (CIEL), Health Care Without Harm et Women Engage for a Common Future – est que ces masques en polypropylène disponibles en France et en Europe seraient « potentiellement toxiques ». Et les laisser sur le marché pourrait « dangereusement ébranler la confiance du public dans le port de masques », préviennent les ONG.
Si les particules de graphène sont capables de taillader le SARS-CoV2, « que se passe-t-il si ce matériau tueur de virus entre dans votre corps ? Agira-t-il de la même manière contre vos cellules ? », s’interroge le physico-chimiste américain Andrew Maynard. Directeur du Risk Innovation Lab de l’université d’Arizona, il travaille depuis plus de vingt ans sur les risques liés aux nanomatériaux. L’expert se dit « préoccupé », citant plusieurs études, publiées par exemple en 2012 et 2018, montrant qu’il ne s’agit « pas d’un matériau inoffensif », « les bords irréguliers de certaines particules de graphène pouvant nuire aux cellules ».
C’est au Québec, où trente millions de ces masques ont été distribués notamment dans les écoles, qu’ont surgi les premières inquiétudes. Troublé par les symptômes décrits par plusieurs enfants – difficultés à respirer, irritations de la peau, impression de « respirer des poils de chat » –, le ministère de la santé canadien a rappelé le 26 mars tous les masques au graphène. Dans un second avis publié le 2 avril, il explique que « l’inhalation de particules de graphène pourrait causer une toxicité pulmonaire précoce chez les animaux. Cependant, reconnaît-il, on ne connaît pas encore le potentiel d’inhalation de ces particules par les masques chez les humains, ni les risques pour la santé qui en découlent ».
Source : abidjan.net