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Santé / De nombreuses personnes meurent par ignorance de leur statut d’hémophile

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L’hémophilie est une maladie hémorragique héréditaire rare qui se caractérise par un déficit en facteur de coagulation huit ou neuf, une des protéines responsables de la coagulation sanguine (absence totale ou présence à un taux insuffisant). C’est une maladie méconnue de la population ivoirienne et même de nombre de personnel soignant. D’où le drame, car ils sont nombreux, les hémophiles qui passent de vie à trépas du fait de cette ignorance. Dans le cadre de la Journée mondiale de l’hémophile célébrée chaque 17 avril, l’AIP a rencontré le président de la section ivoirienne de l’ONG Internationale “Hémophilie et autres maladies de sang”, Moïse Koffi (lui-même parent de deux enfants atteints de cette pathologie) qui a évoqué la problématique de l’accès aux soins et la prise en charge communautaire de l’hémophilie en Côte d’Ivoire.

Le thème retenu pour l’année 2022 est « l’accès aux soins pour tous ».

AIP: Quels sont les signes d’alerte et les prédispositions particulières d’un hémophile ?

Moïse Koffi: L’hémophilie est un trouble hémorragique, grave héréditaire et incurable qui se traduit par l’incapacité du sang à coaguler correctement. Cependant, il y a 30% des porteurs de cette maladie qui le sont depuis la constitution de l’embryon lorsque la femme est en grossesse. Cela fait suite à une défaillance, nous appelons cela l’hémophile sporadique, c’est-à-dire, non héréditaire.

Les symptômes se caractérisent par de nombreuses contusions larges ou profondes, des gonflements et douleurs articulaires, des bleus (ecchymoses), des saignements inexpliqués, ainsi que du sang dans les urines ou les selles…

AIP: La situation et les chiffres en Côte d’Ivoire

MK: La prévalence est de 1 sur 1.000 habitants. Ainsi, en tenant compte de la population ivoirienne, on peut déchiffrer au moins 2.500 patients en Côte d’Ivoire. Mais dans nos registres, nous avons autour de 1.500 personnes et des milliers de « perdus de vus ». Ce chiffre au rabais peut être aussi expliqué par le fait qu’il y a des patients qui s’ignorent et ont subi une intervention chirurgicale qui a découlé en hémorragie et les a emportés parce que pris en charge tardivement.

Les autorités doivent rendre accessible les médicaments coagulants car l’hémophilie est une maladie très coûteuse. Les dernières découvertes ont mis en place une injection (de plasma) très efficace qui doit se faire une fois par mois et le coût s’élève à un million de Francs CFA. Vous voyez le poids financier ? Combien d’Ivoiriens peuvent avoir accès à ce produit ? Notre lutte est que l’Etat puisse mettre en place une subvention importante pour que le citoyen lambda puisse en bénéficier lorsqu’il y a besoin. Nonobstant le caractère incurable de cette pathologie, il ne faut pas attendre que le patient soit en crise ou blessé pour le prendre en charge. Il faut anticiper la blessure par ce qu’on appelle une prophylaxie. Cet élément permettra à ce patient de coaguler normalement, avec cette injection mensuelle.

AIP: Vivre avec l’hémophilie par le sport

MK: Les sports individuels tels que la natation, le vélo, la marche rapide… sont conseillés, juste pour travailler les muscles. Mais non les sports brusques et/ou de contacts tels que le football, le basket, etc.

AIP: Les combats menés par l’ONG

MK: L’ONG organise des séances de sensibilisation, conférences, rassemblements, interventions médias, à l’intention des populations. Nous leur disons que lorsqu’on constate des saignements anormaux même par une petite blessure, des bleus sur le corps, des articulations enflées, il faut se rendre dans un centre de santé et faire son test de coagulation.

Au niveau des patients, nous avons des séances d’éducation thérapeutique, c’est-à-dire, comment s’auto injecter cette molécule lorsqu’ils sont dans le besoin, et aussi, comment faire l’auto-kiné pour éviter les enflures et blocages des articulations.

Il y a également l’éducation thérapeutique pour les parents de personnes hémophiles qui leur permettrait de savoir comment les prendre en charge de façon minimale avant de les conduire à l’hôpital. Car prendre en charge un enfant ou même un adulte atteint d’hémophilie requiert une constante attention.

Au niveau de la prise en charge médicale, le personnel soignant doit être mieux formé sur les signes cliniques de cette pathologie pour un meilleur diagnostic (dépistage), pour la prise en charge spécifique et déterminer ainsi le nombre de patients. Car la prise en charge de cette pathologie n’est pas dans les mœurs habituelles de nos praticiens.

Aussi, avec l’aide de partenaires, l’ONG a envoyé à Dakar, deux médecins du CHU de Bouaké pour une formation particulière d’un mois sur la prise en charge de l’hémophilie. Il y a également certains médecins Ivoiriens que nous avons déjà envoyé en Belgique avec l’aide de la Fédération internationale pour un renforcement de capacités. Deux fois par an, il y a une délégation de médecins étrangers qui vient travailler avec certains de nos médecins et leur permettre de mettre à jour leurs connaissances pour une meilleure prise en charge.

Notre souhait le plus ardent est de multiplier les espaces d’échanges pour vulgariser la connaissance de cette maladie aux populations. Aux autorités, nous demandons que soient mis à notre disposition, des produits pour des soins et avoir du personnel soignant capable de déceler cette pathologie. Un hémophile bien traité et bien soigné revient moins cher à l’Etat. Un appel est lancé aux autorités publiques et privées.

Source : AIP

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