Lors de la rencontre du 24 novembre dernier entre le gouvernement et la Presse, le ministre de la Santé évoquait les excellents résultats obtenus dans la gestion de la pandémie de COVID-19, qu’il mettait sur le compte de leur stratégie de riposte. À la fin de cette même semaine, le nombre de cas positifs connaissait un rebond significatif passant de 80 à 193 cas.
Cet exemple est emblématique de la communication gouvernementale, qui se complait, beaucoup trop souvent, dans l’autoglorification. En se targuant d’être des champions attitrés de la lutte anti-covid, le gouvernement tentait de faire croire à l’opinion, que la décrue de la pandémie résultait de leurs seuls efforts.
Cette façon de faire ne facilite pas l’instauration d’une démarche participative et pédagogique, qui implique la nécessité d’appeler les populations à la vigilance, seule à même de responsabiliser les citoyens et d’adapter la communication aux risques toujours possibles de rebond ou de deuxième vague.
L’évolution de la pandémie dans notre pays a été marquée par plusieurs paradoxes. Même si le pic de 987 cas est survenu, deux semaines après la Tabaski, dans la semaine du 10 au 16 août 2020, l’augmentation attendue du nombre de cas a été moins importante que prévue. Ensuite, on a assisté à une baisse graduelle du nombre de cas positifs – également observée dans plusieurs pays africains – jusqu’à des valeurs plancher correspondant à une moyenne hebdomadaire autour de 80 cas, du 26 octobre au 22 novembre derniers.
C’est durant les trois derniers jours de novembre qu’on a observé une brusque remontée du nombre de cas, nous ramenant au niveau de la fin Août, avec plus de 400 cas hebdomadaires.
De la même manière que les experts épidémiologistes n’avaient pu décrypter cette tendance baissière, qui semblait inexorable et avait même pu résister au Grand Magal de Touba, les causes du rebond actuel demeurent encore inconnues. Certes, nos autorités ont pris la mauvaise habitude de se défausser sur les populations, trop rapidement accusées de manque de compliance des populations avec les mesures de prévention.
Il ne fait aucun doute qu’il y a eu un net relâchement de nos concitoyens, dont la plupart avaient cessé de porter des masques de protection, pratiquant de moins en moins le lavage des mains et ayant renoué avec les grands rassemblements, allant des simples cérémonies familiales aux anniversaires de formations politiques…
Cela n’en dédouane pas, pour autant nos décideurs, auxquels on peut reprocher certaines erreurs. Pour éviter l’installation, dans notre pays, d’une deuxième vague, qui serait fatale à nos économies chancelantes, il urge d’apporter des correctifs concernant le dépistage, l’engagement communautaire, le communication, la résilience du système sanitaire…
Il serait judicieux de profiter de la baisse du nombre de cas pour adopter une stratégie de dépistage permettant d’avoir une meilleure visibilité de la pandémie. Le but visé est d’identifier tous les cas positifs index et secondaires (même chez les asymptomatiques) et de les isoler en vue de ralentir la propagation du coronavirus.
Grâce aux nouveaux tests (antigéniques, salivaires, rapides), il y a de nouvelles opportunités pour corriger et renforcer la stratégie du test – track – treat. À ce propos, il serait pertinent de revoir les directives limitant les tests de dépistage aux seuls patients présentant des symptômes et à ceux asymptomatiques mais jugés vulnérables (âge supérieur à 50 ans et/ou présence de comorbidités). De même, il est plus que temps de diffuser les résultats de l’enquête de séroprévalence, qui se font toujours désirer.
Sur le plan de la gouvernance, le Parlement doit prendre son rôle d’évaluation des politiques publiques plus au sérieux, car beaucoup trop de zones d’ombre persistent sur la gestion du fonds force covid-19, durant la première vague. Il y a même eu des refus manifestes de reddition de comptes de la part de certains ministres proches du président de la République, qui au lieu d’être sanctionnés ont été subrepticement promus à d’autres stations gouvernementales plus juteuses.
Le système sanitaire déjà rudement éprouvé par la première vague de la pandémie se trouve dans une situation de vulnérabilité accrue. Même s’il faut se féliciter du plan d’investissement récemment élaboré par le gouvernement sénégalais, il faudrait faire droit à l’exigence, de procéder, le plus vite possible à des investissements plus importants et à et des réformes adéquates du système sanitaire.
Parmi celles ci, figure en bonne place la perennisation de l’engagement communautaire, qui ne doit plus être ponctuel et épisodique mais durable et devenir une composante incontournable de l’action sanitaire globale.
La maîtrise de la pandémie de COVID-19 ne passera pas par les seuls vaccins récemment découverts, eux-mêmes, objet de tant de controverses et de rumeurs. Une sortie heureuse à cette crise sanitaire (et des prochaines à venir) passera obligatoirement par une communication véridique résultant de rapports de confiance entre les élites et les masses populaires, reposant sur une rupture radicale avec les styles de gouvernance calamiteux et obsolètes jusque-là en vigueur.
Source : adakar