Urbanloop, moyen de transport électrique sur rail, a impliqué les étudiants d’une dizaine d’écoles d’ingénieurs de Nancy.
Le bus acheminant au site de Tomblaine (Meurthe-et-Moselle), qui jouxte l’aéroport de Nancy-Essey, affiche la couleur. Destination «record du monde». C’est sur une ancienne piste de karting défrichée, où le goudron a laissé place aux rails, que, vendredi 28 mai, Urbanloop bat le record du monde de consommation énergétique pour un moyen de transport. Sur place, le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari a salué cet «exemple de coopération entre les écoles et les universités», après avoir célébré «l’esprit pionnier français». Les capsules ont dans leur ligne de mire les Jeux Olympiques de 2024, à Paris. Urbanloop a été retenu, avec 21 lauréats, dans le cadre d’un appel à innovations et mobilités du ministère de la Transition écologique. L’objectif est de relier le stade nautique olympique de Vaires-sur-Marne, qui accueillera les épreuves de kayak, aux stations ferroviaires de Vaire-Torcy et de Noisel.
Ce projet, né en 2017 dans la tête de Jean-Philippe Mangeot, professeur d’informatique à l’Ensem Nancy, veut réinventer la mobilité dans les centres urbains et périurbains. Le principe: une flotte de capsules électriques biplaces toujours disponibles et sans correspondance circulant sur des boucles de rails interconnectés qui produisent l’énergie nécessaire aux moteurs. Un projet qui a impliqué les étudiants de 10 écoles d’ingénieurs* du collegium Lorraine INP, le premier pôle de formation d’ingénieurs en France, épaulés par trois laboratoires et un institut.
Écologique, accessible et sécurisé
L’engouement a pris dès que Mangeot expose l’idée à ses élèves. «Toutes les mains de l’amphithéâtre se sont levées», se souvient-il. «Plus un message lourd est envoyé par internet, plus il doit être découpé pour arriver rapidement. Le projet était d’appliquer ce système aux transports», expliquait-il à ses étudiants. Avec des contraintes: être écologique, sécurisé, économique, et accessible. À partir de 2018, 9 écoles rejoignent l’aventure, dont Mines Nancy. . «C’est un véritable projet collaboratif», se réjouit Lucie, 21 ans, étudiante à l’Ensem. Clément, 20 ans, étudiant à l’Ensem a eu pour mission de mettre au jour un logiciel de suivi en direct des capsules. Célia, 21 ans, en deuxième année aux Mines Nancy, a travaillé sur la gestion des risques. «On a l’impression de servir à quelque chose et les gens sont intéressés», s’enorgueillit-elle.
Le record du monde est homologué
Une capsule s’élance. Un drone survole. Sur un écran affichant en direct les positions de trois capsules – pour être au plus près des usages réels – des points rouges bougent. La délégation, à l’ombre d’un chapiteau dressé au milieu du circuit, se lève brusquement pour suivre du regard la capsule. Ça crie, ça applaudit. Des airs d’hippodrome, sous un soleil de plomb. À 10h51, le record du monde est homologué. Certifer, agence de certification ferroviaire, a fait le déplacement. Sur 1 kilomètre, la capsule a consommé 0,05 kwh/h, soit un coût de 0,47 centime d’euro. La capsule, dont les portes ont été posées la veille et tiennent à l’aide d’élastiques, a atteint 52 km/h. Ce n’est encore qu’un prototype.
«Les étudiants veulent donner du sens à ce qu’ils font»
Avant Urbanloop, il a fallu élaguer et nettoyer un terrain laissé à l’abandon. Des pneus, grillages et matériaux jonchaient le sol. «C’était la jungle», se souvient Benoît, 21 ans, en deuxième année aux Mines Nancy. Comme lui, environ 100 étudiants ont travaillé sur le projet cette année. Un projet à l’image de la devise de l’université de Lorraine: «Faire dialoguer les savoirs». L’ENSG a fait les prospections géophysiques, les matériaux ont été choisis par les étudiants de l’EEIGM, là où les étudiants de l’InSic ont travaillé sur l’intermodalité, etc… «Les étudiants veulent donner du sens à ce qu’ils font», remarque Pascal Triboulot, directeur de Lorraine INP. Ces derniers ont d’ailleurs mené des campagnes de sensibilisation auprès d’élèves de classes élémentaires à Tomblaine. «Être ingénieur implique d’œuvrer pour le développement durable», résume Mathieu, 20 ans, élèves de l’Ensem.
Les JO 2024 en ligne de mire
Au-delà de l’intérêt pédagogique, «c’est un projet fou», rappelle Jean-Philippe Mangeot. «Mais ce qui est bien avec les étudiants, c’est qu’ils ne savent pas que c’est quasi impossible, donc on trouve toujours des solutions», poursuit-il fièrement. Pascal Triboulot, qui vit le projet le plus collaboratif et stimulant de sa «longue» carrière d’universitaire, conclut: «Il faut accompagner le développement d’Urbanloop par les projets d’écoles. On est dans notre mission.»
Et pour après? Les étudiants sont unanimes «À cause de l’encombrement dans les villes, ce projet à de l’avenir.»
* École nationale supérieure d’électricité et de mécanique (Ensem), École des Mines Nancy, Télécom Nancy, École nationale supérieure de géologie (ENSG), École supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction de Metz (ESITC), École nationale d’ingénieurs de Metz (ENIM), Institut supérieur d’ingénierie de la conception (InSic), Polytech Nancy et l’École nationale supérieure en génie des systèmes et de l’innovation (ENSGSI).
Source : etudiant.lefigaro