L’Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales dénonce un changement des règles à seulement 7 mois du concours.
Les grandes écoles de commerce, dont la politique d’ouverture sociale est régulièrement critiquée, souhaitent accélérer le mouvement. Car si aujourd’hui 37% des étudiants français sont boursiers, seuls 12% d’entre eux suivent des études en école de commerce. HEC a annoncé la mise en place de points de bonification aux concours pour les élèves boursiers qui passent les épreuves pour la seconde fois. L’ESCP, de son côté, accorde à partir de cette année la gratuité de la scolarité pour les étudiants boursiers échelons 4 à 7. C’est désormais au tour de l’ESSEC de prendre le pli et de faire des annonces en vue d’atteindre les 27% de boursiers à l’horizon 2024, contre 22% aujourd’hui.
À compter du concours 2022, et pour deux années d’expérimentation, le «Double Appel à l’Oral» permettra à des candidats boursiers en-deçà de la barre d’admissibilité de défendre leur candidature à l’oral, a indiqué l’école le 6 septembre 2021. L’Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC) regrette le timing de cette annonce: à sept mois des concours. Selon elle, il est «inédit et inacceptable de modifier les règles d’un concours pour l’année scolaire en cours qu’il s’agisse des modes de recrutement ou des formats d’épreuves».
Une temporalité qui pose question
La mesure permettra à maximum 40 candidats boursiers admissibles supplémentaires, sélectionnés sur leurs notes aux écrits, de se présenter à l’oral devant un jury qui ne saura rien de leur situation. La barre d’admission, qui combine les notes aux épreuves écrites et orales, quant à elle, ne change pas. «Ce sera peut être moins que 40. Le jury d’admissibilité tranchera en fonction de l’écart avec la barre d’admissibilité traditionnelle», explique Félix Papier, directeur général adjoint de l’Essec. «Selon nos simulations, ce ne devrait pas être en dessous de 0,5 points.» Pour Olivier Sarfati*, directeur de la prépa privée MyPrépa, «ce système présente l’avantage de ne pas entraver l’exigence du concours. Je m’en félicite car c’est souhaitable de démocratiser l’accès à ces écoles.»
De plus, l’Essec annonce travailler sur «l’identification d’un critère territorial» afin que le «Double Appel» soit de même élargi aux étudiants issus des territoires ruraux et isolés.
Si l’APHEC, qui rappelle faire de la diversité sociale une priorité, salue «la prise de conscience des grandes écoles qui s’engagent dans des politiques d’ouvertures sociales», elle «condamne fermement le caractère trop tardif» de l’annonce. «Jamais, poursuit l’association dans un communiqué du 6 septembre, les principaux intéressés, élèves, professeurs et proviseurs n’ont été en amont directement et officiellement informés de cette décision.» Une mesure qui prend les allures d’un coup de Jarnac, à lire le communiqué, tant elle arrive à rebours des choix d’orientation des étudiants.
Pas de report à 2023
Beaucoup d’entre eux ont ainsi pu faire des choix majeurs d’orientation «en ignorant cette expérimentation qui les concerne pourtant au premier chef». En clair, des étudiants boursiers ont pu décider de ne pas retenter le concours et des non-boursiers ont pu décider de cuber (ce qui équivaut à trois ans de prépa). «Ils peuvent se sentir légitimement floués», regrette l’APHEC. «L’impact sur les candidats me paraît limité», répond Félix Papier, qui rappelle que cette mesure est étudiée depuis plusieurs années. «Comme nous créons 10 places supplémentaires sur le programme grande école, les conséquences sur les non-boursiers seront moindres. Mais communiquer plus tôt aurait pu encourager d’autres boursiers.» Olivier Sarfati réitère: «Il aurait effectivement été plus élégant d’annoncer les conditions dans lesquelles les cubes et les carrés passeraient les concours plus tôt, avant les résultats Sigem», tombés le 23 juillet.
L’APHEC dénonce, enfin, la surdité de l’école face à ses demandes. «Dès juin 2021, [nous avions] officiellement demandé à la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (CEFDM) d’annoncer d’éventuelles décisions concernant la diversité au plus tard fin juillet.» Autrement dit à la période où les étudiants font leur choix d’orientation. «Depuis juin, on disait qu’on avait l’intention de mettre en place le Double Appel en 2022», réfute le directeur général adjoint de l’Essec.
L’association, qui à aucun moment ne remet en cause le bien-fondé de la mesure, conclut son communiqué en exhortant l’Essec à la reporter au concours 2023. Fin de non recevoir: «Reporter aurait un impact sur les boursiers qui cubent», conclut Félix Papier.
Source : etudiant.lefigaro