Cours en distanciel, problèmes techniques, difficultés financières… Les obstacles se multiplient pour les étudiants depuis septembre.
«C’est dur d’avoir vingt ans en 2020», s’est désolé Emmanuel Macron. Il faut reconnaître que les jeunes ont été éprouvés. Et plus précisément, les étudiants. Pour certains, la rentrée a été pénible, incertaine. Entre le distanciel et les nouvelles règles sanitaires imposées par le gouvernement, il a fallu sans cesse s’adapter.
Lina*, étudiante en troisième année de psychologie à l’université d’Amiens, a fait sa rentrée en présentiel le 28 septembre. «Pendant les deux malheureuses semaines de distanciel, on s’est pris de plein fouet le cruel manque d’organisation de la fac», rapporte-t-elle. Si un cours devait avoir lieu, c’était au professeur d’en informer les élèves. «Peu d’informations étaient centralisées. Nous nous sommes retrouvés dans une sorte de jeu de piste dont le but était de constituer son emploi du temps», raconte Lina.
«On se sentirait presque en vacances!»
Multiplication des mails, absence des professeurs, problèmes techniques par certains enseignants qui ne sont pas familiers avec les logiciels tels que Zoom. «Il y en a qui ne savaient pas lancer une réunion, partager leur écran ou même accepter les personnes bloquées en file d’attente», rapporte Lina.
«On a même eu un prof qui a galéré pendant une heure avant de réussir à se connecter sur Zoom.» Une fois cette tâche réussie, «on s’est rendu compte que seuls cent étudiants pouvaient assister au cours parce qu’il utilisait une version gratuite». Les deux premières semaines de la rentrée, «on a seulement 3 ou 4 cours en distanciel synchrone. Comment veut-on que les étudiants ne décrochent pas? On se sentirait presque en vacances!»
Étudiante en 2e année d’histoire à Tours, Emma* déplore aussi «le peu d’informations envoyé par la fac et le manque de dialogue avec les professeurs». D’autant qu’il faut, en cette rentrée, faire preuve davantage d’autonomie. «Le travail, seule, c’est compliqué puisqu’on a la chance à la fac d’avoir de l’aide permanente que ce soit par nos professeurs de TD, de CM ou camarades», explique la jeune femme de 20 ans. «Se retrouver seule devant un ordinateur toute la semaine est assez éprouvant. J’ai peur de décrocher.»
Le distanciel a parfois du bon
Pour Mathea, la rentrée fut doublement surprenante. D’abord parce qu’elle trouvait pour la première fois les bancs de la fac. Ensuite, parce qu’aussitôt ouvertes, les portes de son université se sont fermées. «Nous avons eu tout juste deux semaines de cours avant de passer en distanciel», raconte la jeune femme de 18 ans, en première année de psychologie à l’université de Bourgogne.
Il a fallu qu’elle trouve ses marques dans un environnement «complètement différent du lycée». S’organiser dans ces conditions, «c’est très angoissant». Surtout à l’approche des examens. Cependant, argue Mathea, le distanciel a parfois du bon. «Il est plus simple de poser des questions aux professeurs par mail ou par écrit sur les ‘‘tchats’’ des cours que dans un amphithéâtre rempli de plus de 300 étudiants. Cela rend paradoxalement les professeurs plus accessibles.»
L’étudiante s’estime assez «chanceuse» d’avoir trouvé «de bonnes camarades». «Nous échangeons nos notes et nous nous demandons de l’aide quand on a besoin», explique-t-elle. Si se concentrer toute seule chez soi est difficile, Mathea ne compte pas lâcher les cours. «L’année dernière, nous sommes beaucoup de lycéens à avoir décroché au fur et à mesure du confinement. Lorsque nous avons appris que nous ne passerions pas l’épreuve du baccalauréat, on calculait nos moyennes. Et si on n’avait pas de rattrapage, on arrêtait de travailler», se souvient-elle. Mais cette année, c’est différent. «C’est une année sélective et il y aura un examen que nous devons réussir si on veut continuer et vivre au mieux nos études.»
«C’est une question de volonté»
«Ceux qui ne vont pas tenir le distanciel, ce sont ceux qui auraient lâché en temps normal», assure un professeur de Sorbonne Université. Selon lui, le distanciel ne sera pas la raison du décrochage des étudiants. «On manque encore de recul sur cette pratique. À la fac, on a levé l’assiduité des étudiants: ils ne sont plus obligés de venir. C’est donc, à partir de maintenant, une question de volonté.»
Selon l’enseignant, les élèves doivent «trouver la motivation de se lever à huit heures du matin». «L’encadrement à l’université était déjà microscopique même avant le coronavirus. Même si nous devons être disponibles et à l’écoute, nous avons trop d’étudiants pour être derrière eux.»
« Des milliers d’étudiants sont venus dans nos épiceries solidaires. Nous n’avons jamais vu de tels chiffres »Paul Mayaux, président de la FAGE
Pour Martin Hullebroeck, doctorant et enseignant à Paris 8, le risque de décrochage existe bel et bien. «Nous sommes une partie des enseignants à avoir mis en place une pédagogie inversée (une semaine de travail pour les élèves à la maison ; une semaine avec le professeur en présentiel). Cela demande une motivation plus importante de la part des étudiants et surtout, il leur faut trouver des espaces pour travailler.» Or, remarque ce doctorant, «ils n’ont pas forcément un lieu propice à l’étude en dehors des campus».
Paul Mayaux, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), s’inquiète en particulier de la santé mentale des jeunes se trouvant en difficulté financièrement. «Des milliers d’étudiants sont venus dans nos épiceries solidaires. Nous n’avons jamais vu de tels chiffres. En quelques mois, nous avons dépassé le nombre de bénéficiaires et de paniers distribués que depuis la création de nos AGORAé en 2011», s’alarme-t-il. «Il y a des jeunes qui n’ont toujours pas de logement. À Angers, certains étudiants vivent dans des campings… Et l’hiver approche.»
Au début de l’été, rappelle le président de la FAGE, 84% des jeunes avaient déclaré être en situation de décrochage. «Nous n’avons pas encore de chiffres sur la situation actuelle mais on peut s’attendre à ce que ce soit un pourcentage qui s’en rapproche sensiblement.»
Source : etudiant.lefigaro