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France / «Le jury a ruiné un an d’efforts» : la colère de ces excellents étudiants en médecine recalés après l’oral

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La réforme des études de santé a transformé les modalités de passage en deuxième année, au grand dam de certains élèves qui s’estiment lésés par la nouvelle épreuve orale.

«L’ensemble de mes notes étaient comprises entre 15 et 19/20 et un misérable oral de motivation de cinq minutes a suffi à me disqualifier», se désole Esther*. Cette étudiante diplômée de commerce, en reconversion, bouillonne. À 25 ans, celle qui se décrit pourtant comme «habituée des entretiens» a vu les portes de la médecine se refermer devant elle.

Des dizaines d’autres jeunes ont subi le même sort: ils étaient très bien classés, dans le numerus apertus (le nombre de places disponibles en deuxième année) jusqu’à ce que leur résultat d’oral ne les élimine. Pour eux, un seul constat: «L’année dernière, avant les changements, nous serions passés».

Des inégalités sur le contenu de l’épreuve

La réforme du premier cycle des études de santé remplace la Paces par le Pass et la LAS. À l’issue des écrits de fin de semestre, les meilleurs étudiants (qui se trouvent dans la première moitié du «numerus apertus») passent en deuxième année. L’autre moitié, moins bien classée, doit passer par l’oral. Cette épreuve n’est pas clairement définie par le décret et dépend de l’université. «On n’est déjà pas tous logés à la même enseigne selon les facultés», regrette Esther.

À Aix-Marseille, où est inscrit Gianni*, le fils d’Elsa, l’oral consiste en un seul entretien de 20 minutes: 8 minutes de présentation personnelle et professionnelle et 12 minutes d’exposé sur l’un des trente textes préparés en amont (tiré au sort). À Brest, l’établissement d’Esther et d’Elyes organise deux épreuves distinctes: la première est une analyse de document et l’autre, un oral de motivation. Les écrits comptent pour 70% de la note totale à Aix-Marseille, contre 30% à Brest. Des écarts «incompréhensibles», d’après les étudiants.

«Les dates d’entretien s’étalaient sur une semaine donc cela crée une nouvelle inégalité entre ceux appelés au début et ceux de la fin», surenchérit Elsa. Et d’ajouter: «Sur quatre semaines de révisions, sept jours font la différence pour décortiquer trente pages et apprendre ces analyses.» Son fils, Gianni se situait autour de la 150e place, sur les 193 du numérus apertus de médecine. Élève brillant, titulaire d’un bac avec mention très bien, il a atteint sans difficulté 16 de moyenne à ses examens. Il abordait sereinement son oral, qui comptait «seulement» pour 30% du total.

La douche froide de l’oral

«Le jury ne s’intéressait pas à ce que je racontais et cherchait à me piéger», déplore Esther. «J’ai fait de nombreux entretiens, y compris pour le recrutement de grands groupes du luxe, ainsi que deux entraînements, toujours réussis et je sentais qu’en l’occurrence, ils ne s’investissaient pas dans l’échange.» Des interlocuteurs pas toujours bienveillants, autre source de mécontentement, d’autant que cela constitue à son sens, une nouvelle rupture d’égalité. «D’autres jurys faisaient beaucoup plus d’efforts, se montraient davantage compréhensifs et attribuaient de meilleurs notes», rapporte la jeune femme.

Elyes, son camarade, visait dentaire et évoque l’absence d’anonymat lors de l’oral: «Cela pourrait conduire à des discriminations si le candidat a par exemple un nom à consonance étrangère, mais cela peut aussi entraîner des conflits d’intérêts.» Esther abonde: «C’est un comble alors que dans l’ensemble du cursus, l’anonymat est érigé en priorité.»

Enfin, les deux jeunes pointent le flou qui entoure cette épreuve: «Impossible de prévoir ce que nous allions devoir produire comme travail jusqu’au mois précédant l’oral, nous avons essuyé les plâtres de la réforme», s’insurge Esther. Pour la motivation, «seule une vidéo de dix minutes, réalisée par le Pôle Emploi nous avait été fournie pour nous aider», relate-t-elle. Quant à l’explication de texte, Elyes affirme: «Cela nécessitait des cours au préalable.»

Aucun commentaire sur leurs notes éliminatoires

Lorsque parviennent finalement leurs résultats finaux, la désillusion. 3,5, 7 ou 10/20: des notes catastrophiques qui les mettent hors course. Ils réclament des explications et là, nouvelle mauvaise surprise: aucun retour ne leur est donné. Pas d’accès aux barèmes ni à un éventuel enregistrement d’oral. Originellement arrivé 16e sur les 19 places prévues en dentaire, Elyes imaginait confirmer son avance et a écopé d’un 5 en motivation. Et un 7/20 pour Esther, qui grimace: «J’excelle pour les sujets scientifiques, alors que je sors de ES et de 5 ans d’études de commerce et je suis remerciée par rapport à un domaine purement subjectif et éloigné de la médecine. En 10 minutes, le jury a ruiné un an d’efforts.»

Dans un élan de désespoir, Elsa s’est adressée à l’université pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une erreur. Malheureusement, on lui confirme que son fils, Gianni a effectivement reçu un 10,5/20, «l’éloignant de ses rêves». La prochaine étape: une action en justice pour demander formellement aux facultés, la justification de ces notes. Pas le temps néanmoins d’y consacrer toute son énergie, il faut penser à la suite. Elyes souhaite tenter le concours en Belgique, moins exigeant. Pour Esther et Gianni, place à la LAS, leur dernière chance d’entrer en médecine. Une perspective effrayante pour les deux, qui redoutent le retard qu’ils ont accumulé sur leur licence et qui craignent de retomber sur un schéma similaire, d’oraux «injustes et disqualifiants». Ils concluent: «On aurait préféré un redoublement.»

De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur assure au Figaro Etudiant, la plus-value de ces oraux qui ont «pour objectif d’évaluer par d’autres moyens que l’écrit et les QCM, les capacités d’un étudiant à exercer un métier en santé». Il rappelle que l’ensemble de la communauté universitaire, élèves y compris, ont participé à l’élaboration des textes concernant cette nouvelle épreuve. Puis, en réaction aux témoignages d’Elyes, Esther et Elsa, sur les différences entre les facultés, il objecte: «L’essentiel est bien qu’une même cohorte d’étudiants ait des modalités de sélection identiques.» Et de souligner: «La sélection PACES avait d’ailleurs des modalités différentes d’une université à l’autre.»

*Les prénoms ont été modifiés afin de préserver l’anonymat.

Source : etudiant.lefigaro

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