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France / Laïcité, liberté d’expression : comment les professeurs sont-ils formés

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Liberté d’expression, laïcité, importance du débat…Comment les enseignants sont-ils formés pour aborder ces sujets en classe?

Face aux remarques malvenues d’élèves et à l’irruption inquiétante de certains parents dans la vie scolaire de leurs enfants, les professeurs sont nombreux à témoigner d’un certain malaise. Celui de ne pas pouvoir enseigner la laïcité, la liberté d’expression sans échapper à une forme de contestation ou refus de ces principes fondamentaux. Comment les professeurs sont-ils formés pour aborder ces sujets en classe? Et sont-il suffisamment préparés?

«Très peu de temps consacré au débat»

Dans la formation obligatoire des enseignants, il y a «très peu de temps consacré au débat, aux questions de la laïcité et de la liberté d’expression», reconnaît Olivier Chaïbi, enseignant d’histoire-géographie et formateur à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) à l’académie de Créteil. «Dans le cadre de la formation initiale, la manière dont nous abordons la laïcité et les valeurs de la République est trop souvent prescriptive», se désole-t-il. «Je n’ai parfois que deux heures pour faire cette formation». Cela laisse juste le temps de présenter les textes officiels et, «au mieux», d’expliquer brièvement le contexte dans lequel ils ont été pensés. Libre aux professeurs d’ensuite «se débrouiller». «La plupart de nos formations relatives à l’histoire de la laïcité, des religions, des droits et des libertés, et tout ce qui permet de lutter contre les discriminations relèvent souvent de modules optionnels. Elles ne touchent qu’une minorité de futurs enseignants».

Un manque de connaissances sur la question

Par conséquent, «les enseignants sont démunis face aux élèves», rapporte Olivier Chaïbi. «Beaucoup, plus que de l’autocensure, ils sont incapables de répondre aux remarques de certains. Soit parce qu’il y a un manque de connaissances sur la question, soit parce qu’il y a de l’impréparation dans la méthode à adopter». Et ce d’autant que selon Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général et auteur d’un rapport en 2004 sur «Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements», seuls 6% des enseignants ont suivi une formation à la laïcité.

La nécessaire formation continue

Une fois titularisés, les enseignants peuvent rejoindre des stages de formation continue animés par les académies et notamment ses équipes «Valeurs de la République». Mises en place il y a trois ans, ces dernières sont chargées d’intervenir auprès des établissements en cas d’atteintes à la laïcité. «Dans notre académie», explique Gilles Bulabois, référent laïcité et coordonnateur de l’équipe «Valeurs de la République» à Besançon, «nous proposons une formation aux professeurs qui viennent d’être titularisés». Sont par la suite organisées des journées de formations «plus thématiques ouvertes à un public de volontaires» au cours de l’année scolaire.

Concrètement, il est proposé aux enseignants qui suivent ces sessions d’étudier des «situations déjà rencontrées». Exemple: le refus d’étudier un texte, une œuvre d’art en lien avec les faits religieux. «À partir de là, on donne des éléments de réponse et on montre ce qui est en jeu: les grands principes et valeurs de la République».

«La formation continue est le parent pauvre de l’éducation nationale»Franck Collard, président de l’Association des professeurs d’histoire-géographie

Seulement, cette formation continue est inégale selon les endroits. Selon Franck Collard, président de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG), elle est «insuffisante». «C’est malheureux à dire mais la formation continue qui permet aux enseignants de mettre à jour leurs connaissances est le parent pauvre de l’éducation nationale», se désole-t-il. Les nombres de stages par an qu’ont le droit de suivre les enseignants est limité. «À l’APHG, nous organisons des formations et nos collègues sont confrontés à des refus, des réticences des rectorats lorsqu’ils demandent une autorisation d’absence». Or, insiste Franck Collard, il est nécessaire de «passer à la vitesse supérieure». «Il faut accepter que les enseignants soient absents de temps en temps pour connaître les moyens dont ils disposent afin de faire obstacle à ceux qui contestent l’exercice de leur métier».

Des questions de plus en plus compliquées

Selon Iannis Roder, membre du Conseil des sages de laïcité, «Jean-Michel Blanquer est très clair sur la question. Il y a une vraie volonté de mettre en place des formations qui existaient trop peu sur la laïcité et les valeurs de la République». Le professeur d’histoire-géographie dans un collège de la Seine-Saint-Denis l’affirme: si cette formation est aujourd’hui nécessaire, «c’est en raison des questions posées aux enseignants qui sont de plus en plus compliquées». En effet, argue-t-il, comment faut-il réagir face à des jeunes filles qui présentent un certificat médical d’allergie au chlore pour ne pas aller à la piscine? Comment faut-il réagir face à un parent d’élève qui supplée un professeur dans une activité et qui ne veut pas enlever son signe religieux ostentatoire?»

Former des citoyens libres, «capables de penser par eux-mêmes»

Face aux contestations, poursuit Iannis Roder, les enseignants doivent avoir les «outils et armes intellectuelles pour contrecarrer les mises en cause de la laïcité». Outre la formation continue, est mis à leur disposition le vadémécum de la laïcité rédigé par le Conseil des sages qui «apporte des réponses juridiques précises et donne des conseils d’action aux équipes éducatives», lisons-nous sur le site du ministère de l’Education nationale.

S’y référer et en encourager la consultation «est une manière d’habituer les enseignants et personnels à réfléchir dans le sens des valeurs de la République», insiste Iannis Roder. «Dans les salles de profs, ces derniers n’ont pas nécessairement conscience de l’enjeu politique qui est le nôtre aujourd’hui», explique l’enseignant. Ce dernier étant de «répondre à l’objectif de la République française qui est de former des citoyens libres, capables de penser par eux-mêmes».

Source : etudiant.lefigaro

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