Chaque semaine, de nouveaux chiffres tombent. Clusters identifiés, étudiants testés positifs… Faut-il pour autant exclure les cours en présentiel?
L’université de Bourgogne a renvoyé 900 étudiants chez eux; une centaine d’élèves de l’université de Rouen ont été déclarés positifs; la faculté de médecine de Montpellier a détecté un cluster de 60 cas atteints du Covid-19… Chaque semaine, un nouveau chiffre tombe.
Selon le point épidémiologique hebdomadaire du 24 septembre 2020 établi par l’Agence santé publique France, les écoles et les universités représentent 32% des 899 clusters en cours d’investigation. Faut-il pour autant fermer les universités? Les élèves se transmettent-ils davantage le virus sur les bancs de la fac qu’en dehors de l’établissement, lors de soirées étudiantes (interdites dans les villes placées en zones d’alerte renforcées)?
«Ce que l’on observe en réalité dans un certain nombre d’établissements, c’est que les clusters ne sont pas des clusters par promotion, ce sont des clusters par groupes d’amis», a affirmé la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal sur LCP et Public Sénat. «Rien ne dit que les contaminations se fassent au sein des établissements», a-t-elle conclu. Mercredi dernier, la ministre a affirmé qu’une «fermeture généralisée des universités» était exclue.
«Les étudiants sont plus en sécurité à l’université»
Selon Philippe Augé, président de l’Université de Montpellier, les lieux privilégiés de contamination sont plutôt «extra-universitaires». «Il semblerait que les lieux de vie privatifs soient, aujourd’hui, des lieux de diffusion», affirme-t-il.
«Les étudiants sont plus en sécurité à l’intérieur de l’université, où les gestes barrière sont respectés, que dehors», renchérit Pierre Denise, président de l’Université de Caen. Même si les amphithéâtres sont remplis, «ce sont des endroits où l’on peut respecter la distanciation d’un mètre». Paradoxalement, explique Pierre Denise, «ce sont dans les formations à petits effectifs que se font les contaminations: des formations d’ingénieurs par exemple, dont l’esprit de groupe est important. Ce sont des étudiants qui se retrouvent dehors pour travailler.»
Jean Chambaz, président de Sorbonne Université, opine: «Une étude a été faite dans la faculté de médecine Sorbonne Université. Après avoir appris qu’il y avait 8 cas positifs chez les étudiants de deuxième année, le doyen a décidé de tester l’ensemble de la promotion.» Résultat: «13% des étudiants de deuxième année, ceux qui viennent de réussir le concours, étaient contaminés». Les élèves positifs au Covid-19 ont été isolés et les autres ont continué de venir en cours. «Le doyen a ensuite testé les autres promotions. Sur les 3e, 4e et 5e années, le taux d’élèves positifs s’est élevé à moins de 2%», poursuit Jean Chambaz.
«Il est envisageable que des contaminations se fassent à l’intérieur de la fac et non plus uniquement à l’extérieur»Jérôme Marty, médecin et président du syndicat de médecins UFML
Les deuxième années, poursuit le président, ont organisé des soirées d’intégration «dans les bars en face de la fac, sur les quais de Seine et ce, plusieurs soirs de suite. C’est clair que c’est là qu’ils se sont contaminés. Dans une soirée, on perd le réflexe des gestes barrière.» Ainsi, argue-t-il, si les étudiants ne respectent pas la distanciation dans les amphis bondés, ils portent au moins le masque.
«Il est vrai que les soirées d’intégration étudiantes ont eu un retentissement sur les contaminations chez certains jeunes et ont provoqué quelques clusters dans les facs», note Jérôme Marty, médecin et président de l’UFML (Union Française pour une Médecine Libre-Syndicat). Cependant, remarque-t-il, «c’était valable à l’ouverture des universités, au moment où la majorité de ces fêtes ont eu lieu». «Nous avons désormais une concentration très importante de jeunes dans des espaces qui ne sont pas aérés. Certaines facs ont des amphis occupés par 400 ou 500 étudiants en même temps. Cela est problématique.»
Il y a aussi les couloirs et les escaliers que les jeunes empruntent. «Ils montent et descendent en même temps, se bousculent, restent serrés les uns contre les autres. Il y a donc le risque de transmission manuportée», remarque Jérôme Marty. «Il est tout à fait envisageable que des contaminations se fassent à l’intérieur de la fac et non plus uniquement à l’extérieur.»
«Notre priorité, c’est le présentiel»
«Je suis très inquiet», confie au Figaro un professeur d’université de Paris. «Aujourd’hui, je peux faire cours en laissant les fenêtres et les portes ouvertes mais il fait de plus en plus froid. L’hiver va arriver. Dans quelles conditions faudra-t-il enseigner?»
Jean Chambaz est formel: «Aujourd’hui, notre priorité, c’est le présentiel. Tant qu’il n’y a pas de mesures de confinement généralisé, il est hors de question de fermer l’université». Le président de Sorbonne Université l’assure: «Nous sommes très attentifs à l’évolution de la situation et aux décisions gouvernementales que nous appliquons strictement. S’il faut aller plus loin, on basculera une partie des cours magistraux en distanciel».
Le président de l’université de Caen Pierre Denise obtempère: «Nous voulons privilégier le présentiel, au moins au début de l’année. Nous avons beaucoup de néo-bacheliers qui ont quitté l’école au mois de mars.» Éviter une forme de décrochage, inclure les étudiants dans une vie de campus… Tous ces facteurs importent pour garantir la réussite des élèves. «Certains apprentissages, renchérit Philippe Augé, ne peuvent se faire qu’en présentiel. Je pense à certains TP». Le président de l’Université de Montpellier ajoute: «Aussi bien pour les professeurs que pour les étudiants, le contact direct est majoritairement plus agréable, plus facilitateur».
«Ce n’est pas sérieux de nous entasser dans des salles. Avec plus de moyens, on pourrait faire en sorte que le présentiel se passe bien»Anne Roger, cosecrétaire générale du SNESUP-FSU
Mais la question, proteste Anne Roger, cosecrétaire générale du SNESUP-FSU, n’est pas de savoir si les universités doivent, oui ou non, fermer leurs portes. «Il faut se demander si elles ont les moyens de rester ouvertes. Les professeurs sont inquiets. Les salles ne sont pas aérées. Cela fait huit mois que ce virus existe et rien n’a été fait: les travaux auraient dû être commencés cet été. Nous sommes en colère», souffle-t-elle. «Nous l’avons beaucoup dit: il faudrait équiper les personnels de masques FFP2, dédoubler les cours et diminuer par deux a minima les effectifs. Ce n’est pas sérieux de nous entasser dans des salles. Avec plus de moyens, on pourrait faire en sorte que le présentiel se passe bien.»
La priorité, selon le docteur Jérôme Marty, était le port du masque et le respect des gestes barrière. «Il fallait ensuite réfléchir à comment adapter les bâtiments au virus. On aurait pu imaginer que les classes soient dotées de VMC en mesure de faire de l’extraction d’air et ainsi, renouveler l’air de la pièce de façon régulière et en continu», propose-t-il. «Cela diminue le danger puisque ça aspire ce nuage viral qu’il faut imaginer comme un nuage de fumée.»
Source : etudiant.lefigaro