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France / Cadets de la gendarmerie: une expérience inouïe pour les jeunes entre 16 et 21 ans
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3 ans depuissur
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Admin 1Durant une année scolaire, des lycéens suivent des stages en parallèle à leur scolarité, pour se frotter aux métiers de la gendarmerie. Notre journaliste a suivi celui proposé en Île-de-France.
Le bruit cadencé des bottes qui frappent le bitume rompt le silence. Uniformes militaires, treillis, calots bien vissés sur les têtes, chignon pour les filles et cheveux courts pour les garçons, la quinzaine de cadets du peloton 2 progresse en rang serré sur une route escarpée traversant les bois du camp militaire de Beynes (Yvelines), dit «Camp de la Frileuse», mardi 26 octobre. «On s’aligne dans les rangs» tonne la cheffe Lebeau, réserviste encadrant qui traque le moindre mouvement disgracieux.
Les terminales générales peuvent postuler
Le premier stage des Cadets de la gendarmerie d’Île-de-France a commencé ce lundi 25 octobre. Ils sont 66, dont 22 filles. Ces lycéens, âgés de 16 à 19 ans, viennent des Yvelines, du Val-d’Oise et de Seine-et-Marne. Ils suivront cette année 60 heures de cours théoriques et pratiques en plus de leur programme scolaire, et trois stages d’une semaine à Beynes. Le dispositif, créé en 2017, répond à un double objectif: insérer les jeunes et pallier les difficultés de recrutement de la gendarmerie d’Île-de-France.
Comment intégrer les Cadets de la gendarmerie?
Au départ, les cadets, âgés de 16 à 21 ans, étaient surtout recrutés dans les quartiers prioritaires, mais la formation s’ouvre désormais aux bacheliers généraux. «L’ambition est de monter à 120 cadets en janvier», avance Renaud Ramillon-Deffarges, président de l’Anorgend (Association de réservistes de la gendarmerie).
«Je préfère être là qu’en vacances. C’est une fierté, on représente des valeurs, la République»Jules*, en terminale à Trappes
Car ces stages ont énormément de succès auprès des jeunes, ravis de vivre des aventures qu’ils n’avaient vécues que devant leur écran. Un mélange de scoutisme et de service militaire qui plaît à des jeunes en mal d’action et d’adrénaline.
Les journées commencent tôt, à 5h45. La nuit dernière, les Cadets étaient réveillés pour une simulation d’alarme incendie. En fin de matinée, les quatre pelotons (rouge, bleu, jaune et vert) sont répartis en deux groupes. Dans un cinéma décati, deux pelotons s’entraînent au tir réduit sur cible et au maniement des armes. Jules* est en terminale à Trappes (Yvelines). «Je veux être gendarme, dit-il tout sourire. J’aime la rigueur militaire. Je préfère être là qu’en vacances.» Porter l’uniforme? «Une fierté, on représente des valeurs, la République», s’enorgueillit l’adolescent qui rêve d’intégrer le GIGN. Dehors, deux autres pelotons sont en atelier d’intervention professionnelle: maîtriser l’adversaire et le menotter. Les instructeurs, des réservistes, observent et corrigent. L’exercice se termine. Sous les ordres du commandant de peloton, l’adjudant (réserviste) Salvador, les bleus se met au garde à vous avant de rentrer en ordre serré dans les chambres. «Un, Deux, deux, deux», rythme-t-il. «Soyez fiers!», répète-t-il à l’envi.
Le confort est spartiate. Les murs des chambres, où dorment quatre cadets, sont vétustes, la peinture est écaillée. Au premier étage, les filles. Les garçons sont au-dessus. Mais rien n’entache leur enthousiasme, surtout que le bâtiment où ils logent accueille régulièrement des membres du GIGN qui s’entraînent à Beynes. «L’élite est formée ici», sourient Matéo, Maxime, Hugo et Mehdi. Ils profitent de la pause pour s’emparer de leur téléphone et partent manger au mess, la cantine militaire, toujours par peloton et en ordre serré. «Serrez pas les trottoirs, bordel», fulmine l’adjudant Salvador. Après un rapide déjeuner – dinde, sauce caramel épicée, haricots verts et pain perdu au dessert: la cuisine de l’armée française confirme sa bonne réputation. Direction, le stand de tir.
«L’attentat au Stade de France a renforcé mon désir d’engagement. Je veux mettre en sécurité les citoyens»Hugo, 17 ans, lycéen
«J’aime le côté militaire, l’encadrement et la hiérarchie. Pour moi, l’armée, c’est la fraternité», déclare Elliott, 17 ans, en bac pro métiers de la sécurité du lycée Charles-Baudelaire de Fosses (Val-d’Oise), avant de s’avancer vers les cibles. Le jeune homme s’abreuve de reportages sur les unités d’élite qu’il espère intégrer. Alexis, lui, rêve de devenir tireur d’élite. Hugo, 17 ans, lycéen à Sartrouville (Yvelines) était au Stade de France lors des attentats du 13 novembre dont le procès se tient en ce moment. «Ça a renforcé mon engagement. Je veux mettre en sécurité les citoyens». Tous aiment l’adrénaline des interventions et les armes. Leur métier est dangereux. «On sait dans quoi on s’engage», assurent-ils. Ils ont juste le temps pour trouver un cri de ralliement. «– P2 n’abandonne – jamais, Jamais!», hurlent-ils sous les yeux de leurs encadrants.
Au fond d’un gymnase aux murs de tôle qui loge deux terrains de badminton sont alignés quatre tabourets. Sur chacun, une arme et deux chargeurs. Moniteurs et cadets mettent leur casque, les lunettes de protection avant d’entrer en action. En face d’eux, des cibles en papier sont collées à la paroi. «C’est intéressant, j’avais un peu la pression mais c’était une bonne pression», se réjouit Elsa, 17 ans, au lycée Jules-Verne de Sartrouville (Yvelines), en sortant du bâtiment avec sa cible criblée de balles en trophée. Elle rêve d’être gendarme cynophile et passera sûrement le concours l’an prochain. «Ce stage est très enrichissant. Ça apprend la discipline.» À l’intérieur, les douilles sautent et jonchent le sol.
L’après-midi prend fin. Il est temps pour les pelotons de répéter leur chant. Pour le P2, ce sera Jeune chef. D’abord en statique. Puis en marchant. «J’entends rien! Plus fort» encouragent les chefs devant les lycéens qui s’époumonent. Les voix résonnent dans le camp duquel aucun bruit ne ressort. Quelques minutes de pause avant d’aller au mess. La nuit tombe. C’est l’heure de la très attendue marche nocturne.
De (faux) preneurs d’otage fouillent les cadets
Certains ont râlé en apprenant qu’ils partiraient marcher. «Une baisse de moral pour 6 kilomètres? Réfléchissez! C’est quoi dans une vie ça?», hurle un adjudant d’escadron. La prise d’otage commence, et les cadets ne rient plus. Le capitaine leur ordonne: «Il y a des groupes terroristes dans le secteur, ils veulent prendre des otages, vous devez progresser en silence». Des hommes cagoulés et armés les font descendre au sous-sol. «Assis contre le mur, main sur la tête, tête baissée, et personne ne parle», menacent-ils. La pièce, plongée dans le noir, n’a qu’une fenêtre trop fine et trop haute pour en sortir- obstruée par des barreaux rouillés. Au sol, de fins gravats et de la poussière. Au loin, des chiens aboient. Dans une deuxième salle, les preneurs d’otage fouillent les cadets. Dans la troisième, ils menacent d’amener les chiens. Puis, les Cadets sont libérés et découvrent avec stupeur que les aboiements des molosses sortaient…d’une enceinte.
«C’est génial, cet esprit de cohésion. À peine 24h qu’on se connaît et on s’entraide bien»Ronan, 17 ans, au lycée Baudelaire à Fosses
L’aventure ne fait que commencer. L’obscurité est presque totale. Le peloton 2 avance doucement, sans bruit. Les terroristes rodent en voiture. Lorsque des phares apparaissent au loin, les cadets se jettent dans les fossés ou se cachent derrière les taillis. Las, un membre de la troupe se fera kidnapper. Erwin, 18 ans, se justifie avec beaucoup de sérieux, comme si sa vie était en jeu: «J’ai voulu protéger deux camarades!». Cet élève du lycée Joliot-Curie de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne) rêve d’intégrer la Garde républicaine à moto.
Aucun n’abandonne la partie. Après une courte pause ravitaillement, les cadets reprennent la marche. Ils s’encouragent, aident ceux qui n’y arrivent plus. «C’est génial cet esprit de cohésion, s’enthousiasme Ronan, 17 ans, au lycée Baudelaire de Fosses. À peine 24h qu’on se connaît et on s’entraide bien.» Dernière étape: passer dans «la buse», un conduit en béton qui passe sous terre. À l’arrivée, la fierté se lit sur tous les visages. Les encadrants remettent solennellement à chaque cadet la rondache sur laquelle est cousu «Cadets de la gendarmerie Île-de-France». «Félicitation camarade», disent-ils en frappant du point l’épaule des lycéens. Un moment d’émotion.
Objectif 120 cadets en 2022
S’ils ne partent pas tous travailler dans l’Armée, ils garderont un souvenir impérissable de cette expérience. Depuis 2017, 98% des cadets ont eu leur bac, 33% sont allés dans l’enseignement supérieur et 66% sont entrés dans la vie active. Parmi ceux partis dans la vie active, 55% ont intégré la gendarmerie, 22% la police nationale et 16% ont trouvé un emploi dans le privé. «
Source : etudiant.lefigaro