Les partisans de l’«école libre» dénoncent une injustice. Les élèves de terminale des écoles privées hors-contrat devront passer les épreuves de spécialité en présentiel, à la différence des autres élèves pour qui le contrôle continu s’est imposé en raison de la crise sanitaire.
En janvier dernier, Jean-Michel Blanquer annonçait que les épreuves de spécialité seraient annulées et remplacées par le contrôle continu en raison de la crise sanitaire. Seuls le grand oral et l’épreuve de philosophie sont pour l’heure maintenus. Des mesures qui ne concernent pas les 4000 jeunes en terminale (sur 550 000 candidats au total) qui suivent leur scolarité au sein des établissements privés hors-contrat. Il s’agit d’élèves qui fréquentent quelque 700 structures, comme Ipésup, l’Ecole secondaire privée Institut de la FF de golf, les cours Fidès, etc. Des établissements qui ne reçoivent aucun fonds de l’État contrairement aux écoles privées sous contrat.
Ces jeunes déplorent se retrouver face à un tunnel d’épreuves, entre 9 et 12 selon les spécialités de chacun, qui se dérouleront en mai juin. «Après des mois sans cours dans des conditions normales, ils vont passer un bac constitué à 85% d’épreuves finales quand leurs congénères du public ou du privé sous contrat obtiendraient 85% de leur bac en contrôle continu», souffle Anne Coffinier présidente de l’association «Créer son école», association d’aide aux écoles hors-contrat qui pensait que les élèves seraient tous logés à la même enseigne, comme pour le bac 2020.
Loïc Depalle, directeur de l’École Maigret, un établissement privé hors-contrat, regrette une forme d’injustice. «Est-ce normal que les gamins, qui ont eux aussi passé une année difficile, subissent une telle différence de traitement?» Mais le directeur n’est pas pour autant étonné. «Le ministre n’a jamais parlé de nous dans ses interventions. Mes élèves le savent depuis longtemps, je leur ai dit qu’il faudrait passer le vrai bac. Seulement, c’est le principe qui m’interroge.»
«Cela a hélas un nom: la guerre scolaire»
Autre écueil soulevé par Anne Coffinier: les changements de programme de dernière minute. Il y a encore 15 jours, explique-t-elle, les consignes étaient les suivantes: les élèves de terminale hors-contrat passeraient des épreuves terminales dont la moitié implique de connaître les programmes de première et de terminale. «Finalement, l’administration a annoncé dans une note de service du 11 mars que les épreuves porteraient sur un an de programme», affirme-t-elle.
De même, les épreuves de spécialité ont été décalées de mars à juin. «Le ministère dit à présent que si les conditions sanitaires ne sont pas réunies pour passer les épreuves en présentiel, elles pourraient être converties en contrôle continu. Mais enfin, s’il faut attendre juin pour le savoir, cela n’a pas de sens.»
Comment expliquer cette différence de traitement? «Cela a hélas un nom: la guerre scolaire», tranche Anne Coffinier. «J’en suis la première stupéfaite. Quand je vois à la fois la loi confortant les principes républicains et les décisions prises sur le bac 2021, je ne peux que conclure à la volonté délibérée du ministère de s’acharner sur les écoles privées hors contrat, pour en freiner l’essor.»
« Dire que nos profs ne sont pas évalués et qu’ils ne peuvent donc pas noter le contrôle continu, c’est un peu malhonnête » Loïc Depalle, directeur de l’École Maigret
La présidente de «Créer son école» poursuit: «Le ministère raisonne de la manière suivante: vous êtes hors contrat donc vous êtes libres de vos programmes et du recrutement de vos professeurs. Étant libres, vous pouvez bien être assujettis à un système d’évaluation différent de celui qui prévaut pour les élèves de l’Éducation nationale. Ce raisonnement ne tient que si la motivation pour annuler les épreuves pour le public et le sous contrat n’est pas liée à la santé publique.»
Dans les colonnes du Figaro , le ministère de l’Éducation nationale rappelait que les programmes sont «très libres» et que les enseignants ne sont pas inspectés. «Le ministère n’a donc aucun moyen de certifier du niveau effectif des élèves. C’est la raison pour laquelle il faut une évaluation terminale.» Loïc Depalle rétorque: «Le privé hors contrat a très mauvaise presse. Notre école existe depuis 1948, elle a été fondée par Marcel Maigret. Si on faisait du mauvais travail, on serait fermé depuis longtemps.» Les résultats au bac de ses élèves, argue-t-il, sont «dans la moyenne nationale». «Dire que nos profs ne sont pas évalués et qu’ils ne peuvent donc pas noter le contrôle continu, c’est un peu malhonnête.»
Les copies de bac des élèves du hors-contrat seront notées par des professeurs du public et du sous-contrat
Anne Coffinier renchérit: «L’an dernier, quand il y a eu le contrôle continu, les établissements privés sous contrat ont remonté leurs notes. Les établissements hors contrat, qui étaient dans le collimateur et très surveillés, ne l’ont pas fait ou beaucoup plus timidement. Il suffit de regarder le taux de réussite au bac qui s’élève à 95,7% contre 88% l’an dernier pour comprendre que les directeurs des lycées publics et privés ont dû tricher dans des proportions colossales. Il est donc particulièrement scandaleux que ce soit les établissements qui ont probablement le plus respecté les règles du jeu qui soient aujourd’hui interdits de noter leurs élèves.»
Enfin, les copies de bac des élèves du hors-contrat seront notées par des professeurs du public et du sous-contrat. «Les correcteurs n’auront aucun point de comparaison avec des candidats scolaires ordinaires», s’inquiète Anne Coffinier. «La notation va-t-elle être aussi bienveillante que ce qu’a prévu le gouvernement?», s’interroge Loïc Depalle.
En conséquence, l’association «Créer son école» a organisé un référé-suspension ainsi qu’un recours pour excès de pouvoir. «Quelque 250 requérants (chefs d’établissements, parents d’élèves et élèves) se sont joints à nous afin d’avoir le droit de valider leur bac en contrôle continu, explique Anne Coffinier. Le recours en référé est audiencé ce lundi. Dans la semaine, on devrait savoir si oui ou non, on suspend le règlement qui interdit de passer le bac en contrôle continu.»
Source : etudiant.lefigaro