A l’instar de nombreux collégiens qui s’adonnent à des métiers pendant les vacances scolaires pour préparer leur rentrée, l’expérience d’une frange dans le Bounkani vire au vinaigre pour avoir fait le choix de l’orpaillage clandestin, et surtout dans le parc national de la Comoé, une aire protégée. Au grand dam des acteurs de l’école qui pleurent leurs enfants sous les verrous.
Depuis 2012, l’Etat de Côte d’Ivoire a décidé de la scolarisation obligatoire des enfants jusqu’à l’âge de 16 ans sur toute l’étendue du territoire national. Cette norme est bien d’actualité dans la région du Bounkani, dans le nord-est du pays. Malheureusement, des élèves de cette circonscription (souvent brillants en classe) voient écourter leur cursus malgré eux et se retrouvent dans les geôles de la prison.
Et pour cause, un phénomène alarmant décime l’école de ses vaillants soldats. Il est de plus en plus question de condamnation et de privation de liberté pour des d’infiltrations récurrentes des élèves dans des activités d’orpaillage clandestin au sein du parc national de la Comoé, ces dernières années.
Selon le chef du service contentieux de la direction de zone Nord-Est (DZNE) de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR), lieutenant Kassi Dimitri Augustin, depuis 2016, ce sont plus de 174 jeunes de moins de 22 ans qui ont été interpellés et mis aux arrêts pour introduction frauduleuse et orpaillage clandestin, au sein du parc national de la Comoé.
”Parmi les cas d’abandon de cours, nombreux sont liés à la pratique de l’orpaillage. Ces élèves disent qu’ils ont des difficultés pour leur scolarité, ils désertent les salles de classes pour, selon eux, aller se chercher et c’est plus tard que nous apprenons qu’ils exercent dans l’orpaillage”, a déploré l’Adjoint du chef d’établissement (ACE) du lycée moderne de Bouna, Yobouet Joseph.
Ces élèves en plein cursus scolaire, sont pour la plupart issus, des classes de cinquième, quatrième et de troisième des lycées et collèges de la région. Leur présence dans les activités d’orpaillage au sein du parc, a véritablement pris de l’ampleur à partir de 2019, a-t-il signalé.
Depuis lors, nombreux parmi eux sont mis aux arrêts et condamnés à des peines d’emprisonnement allant de 12 à 24 mois. Ce qui gâche leur casier judiciaire et compromet non seulement la poursuite de leurs études mais surtout leur avenir.
Si le phénomène subsiste pendant l’année scolaire, il est bon d’indiquer qu’il prend des proportions plus importantes pendant les congés et les grandes vacances, périodes où la plupart de ces élèves de retour au village s’adonnent massivement à cette dangereuse activité.
L’une des principales raisons de l’immersion de ces adolescents dans ce milieu demeure la pauvreté, la misère des parents. ”Voyant l’incapacité de leurs parents à leur octroyer le minimum, certains optent pour le gain facile et se laissent happer par des individus, en général des ressortissants de pays limitrophes, qui les recrutent pour une aventure d’orpaillage dans le parc contre une rémunération”, souligne à nouveau le lieutenant Kassi, de la DZNE.
En effet, ces élèves qui espèrent pouvoir en ressortir avec de quoi s’acheter des fournitures scolaires et divers biens, sautent sur cette occasion, à l’insu des parents. Mais dans bien de cas, ce sont les parents eux mêmes, qui donnent leur accord pour cette aventure périlleuse, ce saut dans l’inconnu, précise l’officier en charge du contentieux à la DZNE.
Certains font dans le parc trois jours mais d’autres, sept jours comme en témoigne le jeune S. Ollo, 17 ans, élève en classe de troisième, au lycée moderne de Bouna qui s’y était aventuré, pendant le congés de Noël de décembre 2020. ”On a fait sept jours dans cette brousse. Mon travail c’était de creuser les trous pour mes patrons. Je le faisais avec d’autres jeunes, des élèves comme moi” a-t-il indiqué.
Ces jeunes sont ainsi pris dans le piège d’un engrenage préjudiciable à leur avenir. Ils sont ainsi exploités par leurs ”bourreaux”, des adultes, conscients de la dangerosité d’une telle entreprise au fin fond du parc où des animaux sauvages et féroces peuvent surgir, et où des commandos forestiers veillent au grain.
Après plusieurs jours de travaux de fouille, de longues et pénibles marches, les élèves qui ont la chance de sortir du parc et retourner au village auprès des siens, en ressortent toujours affaiblis, déshydratés, affamés et désillusionnés par des miettes perçue. La plupart du temps, le gain n’excède pas la somme de 10 000 FCFA.