Dans un billet intitulé “Le spectre d’une génération perdue” et publié sur le blog de la Banque mondiale, le 1er février 2022, Indermit Gill, vice-président, Croissance équitable, Finances et Institutions (EFI) du Groupe de la Banque mondiale et Jaime Saavedra, Directeur général, Éducation, estiment que l’avenir d’un milliard d’enfants dans le monde est menacé et qu’il faudrait leur permettre de retourner à l’école et trouver des solutions pour remédier aux conséquences de l’interruption des classes.
“Cette année, les gouvernements du monde entier dépenseront environ 5 000 milliards de dollars pour l’éducation (de la maternelle à la 12e année d’enseignement). S’ils ne parviennent pas à ramener tous les enfants et les jeunes sur les bancs de l’école, à les y retenir et à regagner le terrain perdu sur le front des apprentissages fondamentaux, cette génération d’élèves risque de subir des pertes de revenus équivalentes au double voire au triple de ce montant”, préviennent les auteurs du billet originaires de l’Inde et du Pérou.
Les ravages de la COVID-19, ce sont d’abord des millions de vies perdues. Des souffrances humaines aussi, en raison de l’insécurité de l’emploi et de l’aggravation de la pauvreté. Et des élèves contraints de rester chez eux au lieu d’aller à l’école.
Quand la pandémie s’est déclarée il y a deux ans, la quasi-totalité des pays du monde ont jugé que l’un des principaux moyens de lutter contre la circulation du virus était de garder les jeunes hors des écoles et des universités. Selon les experts en santé publique, le maintien des établissements d’enseignement ouverts allait contribuer à une plus grande propagation des infections. Pour « aplatir la courbe » des contaminations et éviter le débordement des hôpitaux, les enfants devaient rester à la maison.
Fin 2021, le nombre de jours d’école perdus dépassait largement 200, soit l’équivalent d’environ une année scolaire et demie. Cette interruption prolongée des apprentissages pourrait avoir de graves effets à long terme, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire et les pays pauvres.
“Ceux qui avaient entre quatre et 25 ans en 2020 et 2021 en pâtiront le plus, ce qui se traduira par une très forte inégalité intergénérationnelle. Manquer l’école pendant si longtemps, cela signifie cesser d’apprendre, mais aussi oublier beaucoup de ce que l’on a appris auparavant”, écrivent-t-ils.
Fin 2020, la Banque mondiale estimait qu’une période de sept mois sans école ferait augmenter le taux de « pauvreté des apprentissages » de 53 à 63 %. Par ailleurs, sept millions d’élèves supplémentaires abandonneraient leur scolarité. Sans compter que la fermeture des écoles aura des répercussions encore plus graves pour les minorités marginalisées et les filles. Ces estimations ont depuis été révisées à la hausse. Faute de mesures rapides et vigoureuses, la proportion d’élèves incapables de lire et comprendre un texte simple à dix ans atteindra 70 %.
Dans tous les pays — qu’ils soient à revenu élevé, intermédiaire ou faible — ce sont les enfants issus des familles les plus pauvres qui subissent les pertes les plus importantes, car ils n’ont guère la possibilité de poursuivre leurs apprentissages à distance.
Cette situation a pour effet de creuser encore davantage les inégalités de chances. Dans le monde en développement, la COVID-19 pourrait freiner la croissance, accroître la pauvreté et accentuer les inégalités pour toute une génération, en mettant ainsi triplement en péril la prospérité mondiale au cours des prochaines décennies.
“L’avenir d’un milliard d’enfants dans le monde est menacé. Nous devons leur permettre de retourner à l’école et trouver des solutions pour remédier aux conséquences de l’interruption des classes. Sinon, c’est toute une génération qui régressera, sacrifiée sur l’autel de la COVID”, poursuivent Gill et Jaime qui préconisent trois axes d’action
“Nous sommes convaincus qu’en combinant réouverture des écoles, apprentissage à distance et programmes de soutien et de rattrapage, on peut limiter les dommages causés par les interruptions scolaires. Ces trois axes d’action pourront servir de modèle pour faire face aux futures crises, voire même améliorer la qualité de l’éducation publique par rapport à ce qu’elle était il y a deux ans”, recommandent les deux experts.
Pour eux, il faut éviter des pertes irréversibles. Afin de soutenir ces efforts, le Groupe de la Banque mondiale compte près d’une centaine de projets liés à la COVID dans le secteur de l’éducation. Ces opérations, menées dans une soixantaine de pays, représentent un montant total de 11 milliards de dollars.
Source : AIP