Devant la résidence du Crous de Nanterre, plusieurs dizaines de jeunes ont organisé une marche blanche jeudi soir et confient leur «détresse».
Ce jeudi à 18 heures et bravant le couvre-feu, plusieurs dizaines de résidents du Crous de Nanterre (Hauts-de-Seine) sont venus rendre hommage à Guillaume. Le 9 février dernier, l’étudiant a été retrouvé mort dans sa chambre universitaire. Deux semaines plus tôt, il avait accusé de viol un conseiller communiste à la mairie de Paris, Maxime Cochard, ainsi que le compagnon de ce dernier.
Sur les marches de la résidence ont été déposés des bougies et des bouquets ainsi que plusieurs photos du jeune homme de 20 ans. «L’assemblée des résidents a décidé d’organiser une marche blanche au flambeau en direction du parvis de la Défense», explique Julien. Pour beaucoup, avance l’étudiant, cet événement tragique fait aussi écho à la «détresse psychologique immense que ressentent de nombreux étudiants du Crous de Nanterre».
«Je suis déboussolé», souffle Julien. «Guillaume était un voisin, un ami. C’est très difficile, très difficile… Après son décès, il y a des personnes qui ont tenté des choses du même ordre. Il y a des personnes ici qui sont suicidaires.» Le jeune homme ajoute: «Les résidents du Crous de Nanterre sont là pour se faire entendre et parler de la précarité qui nous touche.»
«Nous sommes laissés-pour-compte»
Le quotidien, rapporte Arthur, «c’est compliqué». Malgré la solidarité qui règne entre les étudiants, rapporte le jeune homme de 24 ans, «nous sommes pauvres». «Je ne vis pas avec grand-chose, ma chambre fait 9m2, c’est une cellule de prison. Je n’ai pas eu de cuisine pendant trois mois parce qu’elle était fermée en raison de problèmes techniques. Avec le covid, le campus est un peu vide. Nous sommes laissés-pour-compte.»
«Quand on est une femme ici, c’est encore plus difficile. Nous sommes harcelées ou agressées. On m’a déjà suivie jusqu’à la porte de ma chambre.»Riane
«Au niveau du moral, on commence à s’essouffler. On en a ras le bol de vivre dans une chambre de maximum 20 m2», se désole Kahina. Sa voisine, Riane, renchérit: «Je ne suis pas une angoissée à la base. Je ne cède pas à la pression. Dans ma tête, je me dis que ‘‘ça va’’ et en même temps, j’ai mal au ventre. C’est l’anxiété.» Selon la jeune femme de 25 ans, tous les lieux de réunion ont été fermés. «Les cuisines sont désormais restreintes à deux personnes.» Riane poursuit: «Quand on est une femme ici, c’est encore plus difficile. Nous sommes harcelées ou agressées. On m’a déjà suivie jusqu’à la porte de ma chambre.»
«Des cellules de soutien psychologique»
Alexandre Aumis, directeur général du Crous de Versailles, revient sur les dernières semaines. «Toute la communauté universitaire s’est mobilisée auprès des voisins et amis de Guillaume afin de les accompagner durant cette période de deuil», assure-t-il. «On a mis en place des cellules de soutien psychologique. Nous faisons appel à de l’écoute de leurs pairs. Ils ont besoin de parler avec des gens de leur âge.» La prise en charge psychologique, explique le directeur, est la suivante: «Ils ont un soutien psychologique téléphonique. Des psychologues assurent des permanences en soirée. Il y a aussi des permanences physiques un lundi sur deux, entre 16 heures et 19 heures. C’est gratuit et ils peuvent réserver des créneaux sur Doctolib.»
La police disperse les étudiants
Une fois les flambeaux allumés, les résidents commencent leur marche. Les slogans résonnent sur le campus: «Assez, assez de cette société qui ignore les étudiants dans la précarité!», «Pas de justice, pas de paix!» A quelques mètres des bâtiments du Crous, le groupe rencontre de jeunes habitants agressifs. «Il n’est pas mort ici! Cassez-vous!» Une jeune femme glisse: «Ils viennent des HLM d’à côté.» Quelques étudiants tentent de discuter avec eux. Rien n’y fait. La tension monte, une dizaine d’individus de plus en plus violents forcent les étudiants à rebrousser chemin. Au loin, on aperçoit les gyrophares de véhicules policiers. Le groupe d’étudiants se dirige vers l’entrée du site universitaire, près de la gare de Nanterre Université. Là, plusieurs voitures de police les attendent. Il leur sera impossible de se rendre jusqu’à La Défense. Les forces de l’ordre ont chargé la foule, procédé à quelques contrôles d’identité et ont mis fin à l’événement en dispersant les étudiants.
Source : etudiant.lefigaro