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France / Précarité étudiante : «Certains sont obligés de louper deux repas dans la journée»

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Les épiceries solidaires n’ont jamais accueilli autant d’étudiants. Marine Rabelle, en charge de l’une d’entre elles, s’inquiète de la situation financière des plus fragiles.

Marine Rabelle, présidente de la Fédération Campus Basse Normandie, est en charge du projet Agoraé, une épicerie solidaire proposée aux étudiants les plus précaires par la Fédération des associations générales étudiantes (Fage). Au Figaro, elle dresse l’état moral fragilisé des jeunes et s’inquiète de leur situation financière.

Marine RABELLE -. En général, nous récupérons les denrées alimentaires tous les matins. Notre partenaire principal est la banque alimentaire du Calvados qui nous fournit un nombre de kilos important de fruits et de légumes mais aussi, des produits frais et secs distribués par les supermarchés. Nous nous adressons également aux grandes surfaces: nous avons un partenariat avec Leclerc qui a une politique zéro gâchis. Chaque semaine, ils remplissent un gros camion de marchandises que nous pouvons ensuite proposer aux étudiants bénéficiaires. Toutefois, nous n’avons souvent pas assez pour constituer un panier équilibré. Les supermarchés donnent surtout des produits qui arrivent à date, du frais ou des produits laitiers. Les produits d’hygiène, qui sont essentiels, sont souvent à notre charge.

Combien les étudiants bénéficiaires économisent-ils en venant chez vous?

Nous avons un logiciel qui nous permet de tenir une caisse comme dans un supermarché. Lorsque j’y inscris les prix normaux, je suis toujours étonnée de constater le montant réel que représente un panier: il varie de 15 à 50 euros. Les bénéficiaires habituels peuvent récupérer gratuitement ce panier une fois par semaine. Au plus, cela peut leur faire économiser jusqu’à 200 euros par mois.

Généralement, le prix des paniers qu’ils choisissent est aux alentours de 25 euros, ce qui leur permet d’économiser 100 euros sur le mois. Tout dépend de l’alimentation de chacun: certains prennent beaucoup de fruits et de légumes… Puis, ils complètent à côté en achetant dans des supermarchés des produits que nous n’avons pas et qui leur font plaisir comme des céréales ou de la pâte à tartiner.

Avez-vous constaté une augmentation du nombre de demandes de bénéficiaires?

Tout à fait. Au mois de septembre, ils sont d’habitude au nombre de 150-170. Nous avons atteint les 200 bénéficiaires. Nous allons certainement atteindre les 300 plus tôt que d’habitude, un chiffre que nous observons plus tard dans l’année en temps normal.

Psychologiquement, comment se portent les étudiants?

En septembre, ça allait encore. Ils étaient contents de revenir, de retrouver leurs amis. Aujourd’hui, beaucoup se trouvent en résidence ou dans leur appartement parce que certains de leurs examens se font en présentiel. Nous leur parlons souvent et constatons que le moral est très bas. C’est pire que lors du premier confinement parce que cette fois, ils doivent suivre des cours sans pour autant avoir de lien social. Au printemps dernier, ils passaient leurs partiels, c’était une autre ambiance. Ils se sentent seuls, aujourd’hui. Venir ici leur permet de voir des personnes. Nous essayons de les accueillir avec le sourire, de mettre un peu de musique et de discuter. Mais c’est très dur. Nous agissons mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans un océan.

«La précarité financière des étudiants est réelle»

La situation financière des étudiants vous inquiète-t-elle?

Oui, la précarité financière des étudiants est réelle. J’ai rempli de nombreux dossiers avec les bénéficiaires et je trouve affolant le nombre de jeunes qui ont zéro euros de recettes. Certains n’ont aucune aide, aucun salaire et doivent payer un loyer et se nourrir. Il y a une phrase que je trouve très juste: «L’étudiant est un travailleur particulier». Un étudiant travaille, étudie sans pour autant avoir un salaire. S’il a des aides, elles sont insuffisantes. Il y a des étudiants qui sont dans une telle situation de précarité que je me demande comment ils feraient pour se nourrir sans l’Agoraé. Trois repas, cela a un certain coût. Certains font exprès de se lever plus tard pour louper deux repas dans la journée.

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