Cela a commencé par de petits détails nocifs. Des bonjours qui restent sans réponse. Puis viennent les paroles blessantes. Des « tais-toi, il en a rien à foutre, de ce que tu racontes », quand l’étudiante de 27 ans souhaite expliquer à un patient le soin qu’elle s’apprête à lui faire. Des « tu es vicieuse », quand elle demande à assister à un soin de sondage sur un jeune homme qui a eu un accident de moto. Le patient hurle de douleur ? On lui propose de se « défouler sur la stagiaire ».

Pendant son dernier stage dans le cadre de sa formation à l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI), au sein du service orthopédique d’un hôpital, Raphaëlle Jean-Louis a vécu « dix semaines d’enfer ». « J’ai failli abandonner, à quatre mois seulement de la fin de mon parcours. » Elle serre les dents. Décroche son diplôme d’infirmière. Et assiste, en tant que professionnelle, aux mêmes scènes de maltraitance envers les étudiants infirmiers.

Elle décide de coucher sur papier toutes les humiliations et brimades subies et observées. Publié en 2018 chez Michalon, Diplôme délivré(e). Parole affranchie d’une étudiante infirmière est en rupture de stock dès son premier jour de parution et sera prochainement adapté sur grand écran. Le personnage principal est une étudiante prise dans le décalage entre sa représentation idéalisée de la profession et la réalité du terrain : un résumé dans lequel pourraient se reconnaître de nombreux jeunes infirmiers.

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Les études en IFSI figurent parmi les plus plébiscitées sur Parcoursup : c’est la formation qui suscite le plus grand nombre de vœux chez les lycéens. Cette année, un peu plus de 30 000 jeunes sont entrés en première année de formation en soins infirmiers. Mais alors que la profession est en tension, avec une augmentation des postes vacants, certains abandonnent en chemin.

« Problèmes d’orientation »

Combien sont-ils ? Fin octobre, le ministre de la santé, Olivier Véran, a évoqué un déficit de 1 300 étudiants infirmiers ayant abandonné leurs études en cours, et qui auraient dû être diplômés en 2021… Les dernières enquêtes menées par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, disponibles en ligne (éditions 2018 et 2019), montrent que, entre la première et la deuxième année d’études, le nombre d’étudiants d’une même promotion a diminué de 1 800, soit 6 %.

« Le nombre d’abandons n’est pas recensé précisément. Mais ce qui remonte du côté des directeurs d’école, c’est qu’il y en aurait plus qu’auparavant », avance prudemment Michèle Appelshaeuser, présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec), qui mène en ce moment une enquête sur le sujet. La Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi) se dit aussi surprise par ce chiffre, qui serait sous-évalué : l’association estime le taux d’abandon des étudiants à « 10 % par an », selon Mathilde Padilla, présidente de la Fnesi.

Source : lemonde