Dans le cadre d’un concours organisé par l’Éducation nationale, la vidéo réalisée par Victor Vanin frôle les 40 millions de vues.
38 millions. C’est le nombre de fois que la vidéo lauréate du concours «Non au harcèlement» 2020 a été visionnée sur la page Facebook du ministère de l’Éducation nationale. Organisé par la rue de Grenelle chaque année à l’occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, ce prix a pour objectif de donner la parole aux collégiens et lycéens pour qu’ils s’expriment collectivement sur le harcèlement à travers la création d’une affiche ou d’une vidéo. De la cour de récréation du lycée Dominique Villars de Gap (Hautes-Alpes) aux classes et manuels scolaires étrangers, le court-métrage de deux minutes, entièrement réalisée par des élèves, a fait le tour du monde.
La vidéo parle d’elle-même. Elle raconte le quotidien de Maël, le «bouffon», la «victime», comme le surnomment avec haine ses camarades. Dans la cour de récréation, un élève lui renverse le contenu de son sac par terre, quand un autre l’insulte. Le tout sous les rires gras et le sourire d’une élève qui le filme. En cours, deux garçons se moquent de lui. Ce dernier, pétrifié, ne réagit pas. Une musique angoissante et une voix off habillent les images. «Depuis plusieurs semaines, Maël subit de la part d’un groupe d’élèves moqueries et insultes qui nuisent à son moral et son travail. Dans la réalité comme sur Internet. Solitude, peur, dévalorisation (…) Maël est victime de harcèlement», égrène la voix féminine. Puis la prise de conscience. Un groupe d’élève met fin à l’ignominie, raisonnent ceux qui harcèlent et en parlent à une enseignante.
«Avec les images, on peut aider»
De son propre aveu, Victor Vanin, en terminale à Dominique Villars à l’époque, n’imaginait pas que sa production rencontrerait un tel succès. En janvier 2020, celui qui avait déjà, en première, réalisé une vidéo distinguée du prix académique, explique: «C’est une problématique importante, trop répandue. En plus d’entraîner de nombreuses souffrances physiques et psychologiques, voire d’identité, on a tenté d’imaginer à quel point ce pouvait être violent. Cette prise de conscience nous a donné l’idée», explique le jeune homme de 20 ans, qui après un bac S a opté pour un service civique, à Montpellier, comme surveillant d’école. En parallèle, il est en train de créer son entreprise d’audiovisuel. Il ajoute: «Avec les images, on peut aider.»
En l’occurrence, les images sont fortes, donc efficaces. Le message, «universel», comme l’analyse Victor Vanin. «On peut tout comprendre sans la langue ou la voix. Tous les plans marquent vraiment les émotions des élèves. C’est important d’avoir cette compréhension universelle pour toucher le plus de personnes possible», explique-t-il. Mais pour quel objectif? «On a voulu montrer que ce n’était pas une fatalité. Qu’on peut et qu’il faut en parler. Quand on est dans cette situation, on ne sait pas forcément qu’il y a du monde derrière», expose le réalisateur. «Dans la vidéo on donne quelques solutions: les amis, les enseignants et le numéro 3020 pour parler à des professionnels.»
Prendre à bras-le-corps le harcèlement scolaire
Pour réaliser sa vidéo, Victor Vanin a rassemblé 70 élèves, de la seconde à la terminale. Certains sont d’Aristide-Briand, le lycée juste à côté, «car ils avaient une option théâtre». Le lycéen imagine le script seul, fait les plans à l’aide d’un story-board. Unique intervention d’adulte: une professeure de français qui l’aidera à l’écriture des répliques. Pendant le tournage, à l’appareil photo, le réalisateur en herbe s’entoure de trois autres élèves pour chapeauter l’ensemble des acteurs et figurants. «Ça a été assez rapide. En un mois, tout était bouclé, se souvient Victor. Je me sentais bien derrière la caméra. C’était une superbe expérience.» La performance ne s’arrête pas là. La musique a, elle aussi, été réalisée par les lycéens. Victor la compose avec un ami, Jean-Roch Raverat, une fois le montage fini. «On voulait que l’émotion de la musique soit parfaitement corrélée à la vidéo.»
Prendre à bras-le-corps, donc, le harcèlement scolaire. En octobre, Dinah, 14 ans, s’est pendue après avoir subi ce fléau mortel pendant plusieurs années. Une étude publiée par l’Ifop en mars dernier révélait que 85% des parents sont inquiets à l’idée que leur enfant soit victime de harcèlement à l’école. Un harcèlement qui se déroule aussi sur les réseaux sociaux, et de plus en plus tôt. Dans le cadre de sa campagne de communication de lutte contre le harcèlement, la région PACA a pris comme égérie la vidéo de Victor Vanin.
Dernièrement, le député MoDem Erwan Balanant portait une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le harcèlement scolaire. Étudiée le 1er décembre par l’Assemblée dans le cadre d’une procédure accélérée, elle arrivera au Sénat le 12 janvier prochain. Principale mesure, qui suscite le plus de débats: la création d’un délit pénal spécifique de harcèlement scolaire, passible de 3 à 10 ans d’emprisonnement et de 45.000 à 150.000 euros d’amende, en fonction de la gravité des faits commis – qui va de l’incapacité de travail inférieur à huit jours au suicide ou la tentative de suicide de la victime.
Source : etudiant.lefigaro