La décision est tombée lundi, au grand dam des propriétaires, gérants, musiciens et autres acteurs du monde de la nuit. A l’issue d’un conseil de défense sanitaire, le premier ministre, Jean Castex, a annoncé la fermeture des quelque 1 200 discothèques françaises, pour quatre semaines, à compter de vendredi 10 décembre. Sont également concernés les bars et restaurants, qui restent ouverts, mais où il est désormais interdit de danser. Pour cause : d’après l’étude ComCor de l’Institut Pasteur, les boîtes de nuit constitueraient un surrisque de contamination près de 8 fois supérieur pour les moins de 40 ans. Plongée, chronométrée, dans une soirée parisienne.

23 h 30. Après quelques verres entre amis, la foule arrive d’un seul coup devant les portes de La Java, un club du 10e arrondissement. Quelques caméras de télévision immortalisent l’ultime fête d’une année placée sous le signe du Covid-19. La longue file d’attente qui empiète largement sur le trottoir ne désemplit pas, malgré une pluie battante qui trempe les cheveux bien coiffés et les habits soigneusement choisis dans le but de ne pas se faire recaler dès l’entrée. Les fêtards arborent même plutôt de grands sourires, conscients de l’absurdité du moment, et peut-être aussi par solidarité pour le monde de la nuit, dernier à rouvrir ses portes à la fin de l’été et premier à les refermer ce vendredi matin.

Enfin devant l’entrée, Damien et Stefan trépignent d’impatience : « On est des énormes amateurs de house music. Tous les deux, on est de Picardie, venus spécialement pour voir celui qui joue ce soir… c’est notre cousin ! Heureusement que ça n’a pas été complètement annulé. Sinon, on cherche un after pour la fin de soirée. On peut venir chez toi ? »

00 h 45. A l’intérieur, chacun trouve le brin de légèreté qu’il est venu chercher. On danse, on boit et on se mélange avec moins de précaution que d’habitude, selon les codes très classiques qui sont ceux d’une boîte de nuit, depuis toujours. Marc, 60 ans, est ancien professeur de philosophie en lycée. Il est venu avec un couple d’amis, arbore des grands yeux étonnés de se retrouver au milieu de tous ces vieux adolescents, ou jeunes adultes. « Je ne sors plus jamais en boîte, se justifie-t-il presque, mais je trouvais ça important ce soir. Les jeunes ont trinqué sévère cette année, ils ont le droit de s’amuser comme nous à notre époque. Nous devons faire attention avec le virus, certes, mais on ne peut pas demander à la jeunesse de tout rationaliser ». La musique reprend le dessus.

Source : lemonde