Alors que l’Afrique du Sud est entrée dans une quatrième vague qui progresse à un rythme « jamais vu » selon les autorités, les patients séropositifs annulent de nouveau leurs consultations de suivi, comme ils l’ont déjà fait à chaque vague depuis le début de la pandémie de Covid-19. « Dans les cliniques avec lesquelles nous travaillons, le nombre de personnes diagnostiquées positives au VIH a été divisé par deux. Le nombre de patients sous traitement a diminué aussi et le nombre de personnes qui ne viennent pas aux consultations augmente », explique la docteure Moyahabo Mabitsi, directrice exécutive de l’organisation sud-africaine Anova, qui accompagne le gouvernement dans le dépistage et la prise en charge du VIH au sein de plus de 500 cliniques.
Avec près de huit millions de personnes séropositives, l’Afrique du Sud est le premier foyer de l’épidémie de VIH au monde. Si près de cinq millions d’entre elles sont suivies efficacement et présentent une charge virale indétectable, au moins deux millions ne sont pas sous traitement et il est à craindre que le chiffre soit sous-estimé.
Dans une tribune publiée le 2 décembre dans la revue Nature, quatre scientifiques sud-africains, dont deux membres de l’équipe à l’origine de la découverte des variants Beta et Omicron, interpellent la communauté internationale sur le risque que pourrait faire peser sur l’évolution de la pandémie cette rupture dans l’accès aux soins des personnes atteintes par le VIH : « Ne pas combattre la pandémie à hauteur de l’urgence dans les pays à taux élevés de personnes infectées par le VIH à un stade avancé et insuffisamment traitées pourrait mener à l’émergence de variants du coronavirus SARS-CoV-2 plus transmissibles ou rendant les vaccins moins efficaces. »
L’hypothèse de l’infection prolongée chez les immunodéprimés
Un propos soigneusement dosé pour communiquer sur l’une des hypothèses les plus sensibles sur l’émergence brutale de variants hautement mutés. L’infection prolongée au SARS-CoV-2 chez les personnes immunodéprimées tant en raison d’un traitement par chimiothérapie anticancéreuse que par l’infection au VIH pourrait être en cause dans l’émergence du variant Alpha, découvert au Royaume-Uni en novembre 2020, du variant Beta, découvert en Afrique du Sud en octobre 2020, du variant Gamma, découvert à Manaus, au Brésil, en janvier, et maintenant, du variant Omicron.
Cosignataire de cette tribune, la professeure Koleka Mlisana, directrice exécutive du National Health Laboratory Service, le réseau d’analyses médicales public sud-africain, précise d’emblée que « les personnes séropositives qui suivent un traitement efficace et ne présentent pas de charge virale détectable réagissent au Covid-19 comme les autres ». Les choses semblent plus complexes chez les patients immunodéprimés, en raison d’une charge virale mal contrôlée faute d’un accès adéquat aux traitements antirétroviraux.
Source : lemonde