C’est un véritable paradoxe. Tienko, ville située dans le nord du pays, alors que la localité est électrifiée, des établissements publics n’ont pas d’électricité. Ce qui cause de nombreux désagréments aux enseignants et aux élèves. Notre reportage.
Tienko, commune rurale située à 100 kilomètres de la ville d’Odienné dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Il est 18h30 min, ce samedi 13 novembre 2021. A peine le jour tombé que les lampadaires s’allument. La rue qui part de la sous-préfecture au centre de santé communautaire est bien éclairée, donnant un aspect de modernité à cette cité carrefour. Cette sous-préfecture érigée en commune depuis 1994, a fière allure, à cette heure.
C’est tout le contraste au collège municipal de Tienko. Ce bel établissement situé à un kilomètre du centre-ville, sur la voie menant à Goulia, et ouvert en 2013, est plongé dans le noir, dès la tombée du jour. Une fois, la fin des cours, les élèves sont pressés de quitter les lieux afin d’éviter d’entendre les hululements des chouettes qui y élisent domicile la nuit tombée. La pénombre et le silence qui y règnent, semblent toutefois profiter à des tourtereaux qui transforment les salles de classe en des chambres de passe. Ce, d’autant plus que le collège n’est pas clôturé.
Selon le principal, Edouard Ban, à cause du manque d’électricité, le matériel de reprographie du collège se retrouve chez l’intendant, l’adjoint au chef d’établissement et l’un des deux éducateurs. Ce qui amène l’administration scolaire et les enseignants à faire d’incessants va-et-vient aux domiciles de leurs collègues qui ont été transformés en centre de reprographie pour les besoins de tirage de supports de cours ou de contrôle.
Cette situation a des incidences, à en croire le chef de l’établissement, sur les performances de cette administration. « Pour l’impression d’un mail, nous sommes obligés de nous rendre au centre-ville. Imaginez la gymnastique déployée lorsqu’il s’agit d’un mail que nous devons traiter et répondre dans l’urgence », relate-t-il ses déboires.
Dans son désarroi, il n’ose pas évoquer le stress accru par le manque d’électricité pendant les opérations de fin de trimestre où l’on doit saisir les notes, les moyennes et tirer les bulletins. Depuis plus de huit ans, la situation est la même. Et les conséquences sont nombreuses.
Pourtant, au dire du responsable de ce collège, après les premières années qui ont suivi l’ouverture de cette école secondaire, des démarches pour son électrification ont été effectuées. « Le verdict de l’équipe de Securel chargée d’expertiser le bâtiment est sans appel. Les bâtiments ne peuvent pas être raccordés au réseau électrique », fait-il savoir.
La raison, explique le chef de cet établissement, c’est que les câbles utilisés pour l’électrification du bâtiment ne respectent pas les normes. En outre, dit-il, les installations sont en monophasé là où pour un bâtiment public, il faut une installation en triphasé. En sus, souligne M. Ban, lors des installations électriques, des prises de terre n’ont pas été prévues.
Si le diagnostic est établi, le principal affirme que les moyens pour guérir le mal manquent. « Il faut trouver les moyens financiers pour engager un spécialiste afin de refaire l’expertise des bâtiments et trouver des remèdes pour que notre collège bénéficie de l’électricité », souligne-t-il.
Le président du Comité de gestion des établissements scolaires (Coges) du collège municipal de Tienko avoue lui aussi son impuissance. « Nous avons mené de nombreuses démarches qui sont restées à ce jour infructueuses. Le Conseil régional avait annoncé que des dispositions allaient être prises afin de régler ce problème. Mais, nous attendons toujours », affirme Doumbia Yacouba, désabusé.
Pour Souleymane Koné, un parent d’élèves, cette situation n’honore pas la ville. « Avant, lorsqu’on était au collège, on formait des groupes d’études et on se retrouvait dans nos établissements pour étudier. Mais, cela n’est pas possible à Tienko où l’électricité manque dans le collège. Il faut agir pour inverser la tendance qui est devenue la norme à Tienko et dans plusieurs localités de cette partie du pays afin d’aider nos enfants à mieux apprendre », interpelle-t-il les cadres et les bonnes volontés.
Des écoles primaires concernées
Loin d’être un cas isolé, plusieurs écoles primaires de Tienko et même du canton Bodougou bien qu’étant dans des localités électrifiées, sont sans courant.
L’Epp municipalité de Tienko située dans le quartier de Koko, malgré l’aspect neuf de ses bâtiments, ne fait pas exception à la règle. Ce qui ne facilite pas la tâche à l’équipe de pédagogues.
A en croire la directrice de cette école primaire, Florentine Okoumou, les enseignants sont obligés de sillonner la ville à la recherche de photocopieurs privés lorsque le besoin de faire des photocopies se pose. En sus, elle déplore le fait que les instituteurs ne peuvent pas organiser des manifestations récréatives nécessitant du courant, au profit des apprenants.
Cette situation, insiste-t-elle, rend également l’enseignement difficile avec l’impossibilité d’utiliser des supports numériques, entre autres, les vidéoprojecteurs.
Mme Okoumou n’oublie pas d’égrener de nombreux autres problèmes. « Ce manque d’électricité est un handicap pour nous. En effet, en cas d’intempéries, les classes deviennent obscures et nous sommes contraints de libérer les enfants. En outre, nous n’arrivons pas à remplir notre devoir d’alphabétisation à l’endroit des populations faute de lumière dans les salles de classe », regrette la directrice.
Pis, le plus difficile à supporter, relève-t-elle, c’est la situation des élèves malvoyants qui peinent à copier les leçons aux heures avancées du soir.
Envoyé spécial à Tienko
Le défaut de clôture et l’insécurité, les autres défis
Le manque d’électricité dans les établissements publics de Tienko et de plusieurs autres villes ou villages du canton Bodougou n’est pas le seul défi auquel l’école est confrontée.
En effet, dans cette contrée, il est presque normal de voir des anciens établissements comme de nouveaux établissements, sans la moindre clôture. Cette situation n’est pas sans conséquences relativement à la quiétude des élèves et au bon déroulement des cours. Tenez, au collège municipal de Tienko, la cour se transforme en une piste de transit pour les populations. Celles-ci, sans gêne, traversent l’établissement pour aller dans leurs champs.
Souventes fois, ce sont des motocyclistes qui passent dans la cour de l’école à vive allure, et le vrombissement de leur moteur rompt le calme espéré en ce lieu. Il arrive aussi que des animaux choisissent les cours des écoles comme le lieu pour paître.
A ces faits, il faut adjoindre l’insécurité. L’intendant du collège municipal, Doumbia Amara, n’a pas manqué de souligner que son bureau a été, à deux reprises, l’objet de cambriolage. Des quidams ont brisé les vitres de la fenêtre pour y pénétrer. Comme lui, de nombreux enseignants notamment du primaire ont dénoncé le fait que les portes de leur salle de classe ont déjà été défoncées, nuitamment.