Brun. Taille moyenne. Signe distinctif : aucun. Nom de famille : Martin. Le PDG d’Eurofins, Gilles Martin, 58 ans, a la discrétion dans le sang. Pas autant qu’Emmanuel Besnier, le patron de Lactalis, qui a longtemps veillé à ce qu’aucune photo de lui ne circule, mais presque : Gilles Martin a ainsi refusé de poser pour Le Monde. « Une habitude. Je n’ai pas le culte de la personnalité, comme certains dirigeants américains. Au contraire… », se justifie l’intéressé, qui fuit les mondanités. Au sein de l’establishment, presque personne ne le connaît !
Cependant, depuis l’entrée du géant de la bioanalyse au CAC 40, le 17 septembre, difficile d’échapper à l’attention. Surtout que l’histoire est belle.
Elle démarre au début des années 1980, lorsque les époux Martin, Maryvonne la physicienne et Gérard le chimiste, enseignants-chercheurs à l’université de Nantes, mettent au point un procédé d’analyse par résonance magnétique nucléaire permettant de déceler l’origine du sucre dans le vin. Quelle était la probabilité que les Pierre et Marie Curie de la chaptalisation engendrent le Steve Jobs de la bioanalyse ?
Gilles, leur aîné, a déjà créé plusieurs jeunes pousses durant ses études à l’Ecole centrale Paris, et même travaillé aux Etats-Unis dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il a 24 ans quand, en 1987, ses parents lui confient le soin d’exploiter leur brevet racheté au CNRS. « J’ai réalisé très jeune que j’étais moins brillant que mes parents et que mon frère, qui est un génie en maths. Je voyais aussi combien le système universitaire manquait de moyens. J’ai compris très tôt que l’entrepreneuriat était le chemin qui m’apporterait l’indépendance », professe l’intéressé.
Les premiers pas d’Eurofins se font au sein du « laboratoire Martin », comme l’unité de recherche était alors désignée : « Ça n’était pas très bien vu à l’époque. Il y a eu des critiques sur le thème “vous avez capté de l’argent public et vous développez une entreprise privée”, mais c’est la vie normale des labos, témoigne Gérald Remaud, professeur à l’université de Nantes, membre de la cellule originelle. Nous étions une poignée. Gilles Martin bossait énormément. Il savait où il voulait aller. Il avait de l’instinct et de l’ambition pour l’entreprise naissante. »
« Ce qui m’importe, c’est le contrôle de l’entreprise »
Gérard et Maryvonne, Gilles et son frère Yves-Loïc – qui a rejoint par la suite Eurofins – se partagent le capital de la petite affaire au sein d’une société en commandite, Analytical Bioventures, qui laisse les pleins pouvoirs à Gilles. « L’argent n’est pas ma motivation. Il était inconcevable pour moi de devenir riche tout seul. Ce qui m’importe, c’est le contrôle de l’entreprise. Tant que j’en serai le dirigeant, je veux conserver 100 % des droits de vote dans la holding », souligne-t-il. Le contrôle, première obsession.
Source : lemonde