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Santé / Contamination massive des élèves énarques de Ouagadougou par le COVID-19

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Ils devaient partir quarante-cinq jours en immersion chez les militaires. S’initier au maniement des armes, au secourisme et suivre une classe de civisme. L’affaire a tourné en miniscandale de la rentrée dans la presse burkinabée.
Le 9 août, lorsque les quelques 700 élèves de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) à Ouagadougou montent dans des cars direction le camp militaire Ouezzin Coulibaly à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso, à 350 kilomètres de la capitale, il y a une pointe d’excitation dans l’air. Quelques minutes avant le départ, certains sourient, impatients, d’autres sont plus anxieux.
Ce stage militaire, imposé depuis 2019 aux énarques burkinabés pour leur inculquer « patriotisme, esprit d’équipe et défense de l’intérêt général », est réputé exigeant. Dans la file, les jeunes étudiants, le crâne fraîchement rasé et vêtu d’un survêtement bleu marine, ont dû réduire leurs bagages au « strict minimum », un seau en plastique pour la toilette et une natte en guise de lit.

Ce jour-là pourtant, aucun d’entre eux ne pressent qu’un mois plus tard, le 11 septembre, 189 d’entre eux seront testés positifs au coronavirus. Et que le lendemain, les 76 partis se confiner chez eux seront considérés comme « déserteurs ».

« On faisait tout ensemble »

Dès l’arrivée au camp, pourtant, une partie d’entre eux déchantent très vite. Le premier soir, en effet, les étudiants sont priés de s’imprégner de la vie de caserne, assez peu compatible avec les gestes barrières…

« Les chefs ont posé une grande bassine de riz pour tout le monde et nous devions nous servir par poignée, un par un. Il n’y avait pas d’assiettes ce jour-là et certains n’ont même pas pu se laver les mains », raconte une élève, testée positive ensuite et jointe par téléphone. Repas, cours de sport, initiation au tir…, « on faisait tout ensemble, poursuit la jeune femme, sous couvert d’anonymat. Aucune mesure barrière n’a été respectée, les armes n’étaient pas désinfectées et certains ne portaient même pas de masques ».

Les premiers cas positifs apparaissent quelques jours plus tard. Selon plusieurs témoignages, les étudiants contaminés poursuivent pourtant la formation toujours « mélangés » aux autres. « Je dormais juste à côté d’une personne positive. Nous étions collés, entassés à 30 par dortoir », raconte un étudiant, testé, lui, négatif.

Rapidement les cas se multiplient au point que la situation devient assez alarmante pour que, le vendredi 11 septembre, la direction de l’établissement décide de procéder à un dépistage général. Sur 745 élèves, 189, « tous asymptomatiques », sont positifs au Covid-19, selon les résultats parvenus les samedi et dimanche suivants.

« Des insuffisances »

« C’était la pagaille, j’ai attendu les équipes médicales jusqu’au dimanche, en vain, nous n’avions aucune information. Etant donné les conditions au camp, j’ai préféré rentrer me confiner chez moi », explique une étudiante contaminée, qui prendra le premier bus pour rejoindre son domicile, à Ouagadougou. Dans la foulée de 76 départs, le gouverneur de la région des Hauts-Bassins publie un « avis de recherche », avec l’identité et le numéro de téléphone de ceux qu’il estime être des « déserteurs ». Depuis, tous les énarques ont été localisés et sont suivis, confinés à domicile ou dans des hôtels de la capitale, assure le directeur de l’Enam.

Au Burkina Faso, l’histoire a déclenché une polémique et ouvert une interrogation. Fallait-il annuler le stage militaire face au risque de propagation du coronavirus et à l’inquiétude de certains élèves ? « J’ai pris la décision de maintenir la formation après avoir consulté le directeur du Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires [Corus]. La seule condition était d’effectuer deux tests au préalable », rapporte le directeur général de l’Enam Awalou Ouédraogo, qui assure que « tous les élèves ont été dépistés (…) un mois puis deux jours avant le départ ». Neuf cas positifs ont alors été détectés, selon nos informations, tous « isolés et suivis », affirme M. Ouédraogo.

Sur place pourtant, selon plusieurs témoignages, un groupe d’élèves, « de retour de stage », n’aurait pas pu réaliser le deuxième test. Ce que ne dément pas formellement le directeur du Corus, Brice Bicaba, pour qui « il se peut qu’il y ait eu des insuffisances ». Difficile toutefois d’identifier l’origine de la contamination du camp de Bobo-Dioulasso, qui regroupe le Groupement d’instruction des forces armées (GIFA), où sont formés de nombreux militaires, gendarmes et pompiers, et où les allers-venues des familles et des vendeurs ambulants sont fréquentes. Contacté, l’état-major général des armées n’a pas pu dire si des militaires aussi avaient été contaminés.

« Relâchement »

Depuis la découverte des 189 énarques contaminés le 11 septembre, 58 nouveaux cas ont été détectés à Bobo-Dioulasso. Rassurant, Brice Bicaba estime que « ce foyer est contenu, parce qu’on a réussi à retrouver et isoler à temps les élèves ». Plus de peur que de mal donc, mais l’incident a tout de même réveillé certaines inquiétudes, après plusieurs mois d’accalmie au Burkina Faso.

Pour l’heure, le pays a été relativement épargné par la pandémie de coronavirus avec 1 907 cas dont 56 décès enregistrés depuis le mois de mars. « Mais il y a eu un relâchement ces dernières semaines et les mesures barrières ne sont plus respectées, même si le virus circule toujours », alerte le docteur Bicaba. A Bobo-Dioulasso, comme dans les rues de Ouagadougou, les masques de protection, toujours obligatoires dans les lieux publics, se font plus rares sur les visages.

Mais dans son bureau de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature, Awalou Ouédraogo dit n’avoir « aucun regret » sur le maintien du camp des énarques. Alors que la polémique s’est calmée, il estime qu’« on ne peut pas réunir 700 personnes sans risques. Il y a toujours un risque, mais est-ce qu’on arrête tout pour autant ? ». Le directeur promet « une bonne discussion » à la rentrée avec les « fugitifs » et rappelle déjà qu’« un énarque doit donner l’exemple, c’est un privilège de servir son pays ».

Source : dakarxibar

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