Les notes comptent-elles plus que les écrits à joindre au dossier? Les lycées privés sont-ils boycottés? L‘école a répondu à ces questions.
L’annonce avait fait grand bruit: dès 2021, Sciences Po abandonnait son traditionnel concours d’entrée en première année afin de démocratiser l’accès à l’institution. Pour la première fois, l’école recrutait via Parcoursup: sont désormais évalués le dossier scolaire, les résultats obtenus au bac, les écrits personnels (à joindre au dossier) et enfin, l’oral (si le dossier est assez bon). Quatre épreuves chacune évaluées sur 20.
En mai dernier, nombreux étaient les lycéens, et pour certains excellents, à ne pas avoir été admissibles. Une question récurrente revient: Sciences Po boycotterait les lycées privés. Et cette année, d’excellents élèves de lycées publics parisiens se sont également plaints, ainsi que les candidats des lycées français de l’étranger admis sur la plateforme pour la première fois cette année. La directrice par intérim Bénédicte Durand a répondu à cette questions lors d’une conférence de presse qui s’est tenue fin août. Elle a rappelé que sciences Po cherchait d’abord d’excellents étudiants, et que cette année, les admis étaient issus à 31 % issus de lycées privés. Toutefois, Bénédicte Durand a ajouté qu’elle recevrait certains proviseurs en colère. Elle a aussi expliqué que l’arrivée sur Parcoursup avait permis à l’école de bénéficier d’une attractivité exceptionnelle, avec une augmentation de 103% de candidatures en 2021 au collège universitaire, ce qui a permis d’atténuer le poids de la région Île-de-France et d’améliorer la diversité du vivier. «Tous les territoires ont été présents», a-t-elle ajouté, rappelant le souhait de l’école de poursuivre sa politique de diversification des profils recrutés.
Des questions se posent aussi sur les critères de sélection jugés opaques. Toujours au printemps, un cas particulier largement relayé sur les réseaux sociaux avait ému nombre de candidats: un jeune homme s’était vanté d’avoir été admissible à l’oral sans avoir terminé la rédaction de ses écrits personnels sur Parcoursup. «Dans certains cas très exceptionnels, un dossier qui ne réunirait pas toutes les pièces demandées peut être retenu par le jury pour passer l’oral, au regard de son excellente qualité générale», avait alors répondu l’institution au Figaro. Ce candidat a d’ailleurs été admis a confirmé par la suite l’équipe de direction de l’école lors de la conférence de presse. On peut se demander alors si submergée par le nombre de candidatures, l’école de Sciences Po a-t-elle pu les évaluer avec minutie? Au total, Sciences Po a reçu plus de 15.000 dossiers en 2021 en première année du collège universitaire. Ce sont en tout 1000 examinateurs mobilisés, affirme Gabriela Crouzet. La directrice des admissions de Sciences Po assure que toutes les candidatures ont été doublement évaluées.
La moyenne ne peut «ni garantir ni prédire quoi que ce soit»
«J’ai le sentiment que les évaluateurs se sont concentrés sur les notes, ce qui n’est pas dans les gènes de Sciences Po» avait repproché au Figaro, Vincent, alors en terminale. «Les familles et les candidats pensent parfois qu’il n’y a que la note et le lycée d’origine qui vont jouer dans l’admission. Cela ne marche pas comme ça», tranche Gabriela Crouzet. «Il y a une mise en perspective des dossiers. L’an dernier, chaque examinateur a reçu plusieurs dossiers d’un même lycée afin de pouvoir mieux saisir l’environnement dans lequel les élèves ont évolué.» «Nous cherchons d’excellents candidats», poursuit Gabriela Crouzet. «Ceux qu’on a recrutés l’an dernier sont en majorité d’excellents élèves. Mais lorsque vous regardez notre processus de sélection, on voit que les notes sont loin d’être les seuls critères étudiés.» La moyenne d’un élève au lycée ne peut donc «ni lui garantir ni prédire quoi que ce soit concernant la destinée de sa candidature». «Parmi nos admis, nous avons des élèves qui ont eu un 17, 18 ou 19 de moyenne. Mais aussi des élèves qui ont eu moins. Grâce aux essais personnels à joindre au dossier, exigeants, ils ont pu avoir leurs chances.»
L’importance des rédactions personnelles
L’épreuve des écrits personnels, rappelle-t-elle, est fondamentale. Les examinateurs de Sciences Po, au nombre de deux pour chaque dossier, valorisent des rédactions «qui permettent une vraie rencontre avec le candidat». «Son authenticité, tout ce qui montre qu’il a lui-même écrit ses essais, tout ce qui dévoile sa personnalité est favorisé.» Ainsi, rappelle la directrice des admissions de Sciences Po, toute préparation annexe et privée n’est pas du tout conseillée par Sciences Po. «La réforme a été faite justement pour signifier que tout élève de l’enseignement secondaire peut se projeter à Sciences Po et s’y préparer sans avoir recours à une préparation privée en dehors de son propre parcours au lycée.»
Autre couac: nombreux étaient les candidats à s’être émus de n’avoir reçu aucun mail annonçant leur non-admissibilité, alors qu’ils avaient payé des frais de candidature (150 euros). «L’an dernier, nous nous sommes conformés à la réglementation de Parcoursup qui exige qu’aucun établissement n’ait de contact avec le candidat avant les résultats publiés fin mai sur la plateforme nationale», avance Gabriela Crouzet qui reconnaît que c’est là un sujet «sensible». «Nous aimerions pouvoir communiquer avec les candidats d’une façon plus immédiate et transparente à ce moment-là du processus d’admission. Pour cela, nous devons discuter avec les acteurs de Parcoursup.»
«Parmi les admis, on compte 13% de boursiers du secondaire»
Le mois de septembre sera consacré au bilan de cette première session d’admission, affirme Sciences Po qui se félicite d’avoir élargi le nombre d’établissements d’origine des candidats. «Nous sommes à plus de 1990 établissements secondaires d’origine sur le territoire français, soit une augmentation de plus de 45% par rapport à 2020. Nous avons plus de 550 établissements d’origine parmi nos admis», avance Gabriela Crouzet. Une visibilité sans doute permise par la présence de Sciences Po sur Parcoursup. La réforme d’admission a également permis, selon elle, d’attirer davantage de boursiers «aux profils excellents» : «Parmi les admis, on compte 13% de boursiers du secondaire là où on en avait 5% en 2020.» En moyenne, tous les admis ont obtenu une moyenne de 72/80.
Le mois de septembre sera consacré à l’étude de cette première expérience de ces nouvelles modalités d’admission. «Nous allons affiner les modalités de la réforme d’admission en première année», affirme Gabriela Crouzet. «Nous lançons notre campagne autour de la session 2022 dès le début du mois d’octobre. Je peux d’ores et déjà dire que les grandes lignes de la réforme telle qu’elle a eu lieu en 2021 ne changent pas. Il n’y aura pas d’évolution majeure, seulement quelques ajustements.»
Source : etudiant.lefigaro