Le grand oral évalue notamment l’éloquence des candidats. Bertrand Périer et Cyril Delhay, experts en rhétorique, livrent leurs conseils pour bien le préparer.
Il aura bien lieu. Aménagé, certes, mais il aura bien lieu, et en présentiel. Au grand oral, le candidat présente au jury deux questions préparées portant sur ses deux enseignements de spécialité. Cette année les candidats viendront avec un message de leur professeur dans lequel seront indiqués les deux points où ils sont le plus à l’aise, et ceux qu’ils n’ont pas étudiés. Enfin, ils pourront garder leurs notes. Comment bien préparer cette épreuve?
Comment s’entraîner?
Un bon oral est un oral qui a été travaillé. En face de quelques camarades ou avec ses parents: il faut s’entraîner. «Il faut viser une dizaine de répétitions dans les conditions de l’examen, tout en variant les publics, cela permet de progresser très vite», conseille Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po, auteur de Parler en public et qui a remis à Jean-Michel Blanquer un rapport sur le grand oral en juin 2019. Bertrand Périer, avocat et auteur de La parole est un sport de combat , précise: «Votre public aura un regard actif et critique, dans le but de corriger la posture, l’attitude et ce que vous dîtes.»
Et que faire des notes? Cyril Delhay insiste sur l’importance de les mettre de côté. «Prendre des notes c’est comme courir un 100m avec des béquilles: ça n’aide pas. Il faut tordre le cou à ce réflexe de se réfugier derrière ses notes. Le jour J, je conseille de les mettre dans sa poche ou alors sur la table mais loin devant nous, hors du champ du regard.» Bertrand Périer renchérit: «Même les notes doivent être préparées en amont. Si vous les gardez, il ne faut pas les avoir dans les mains, et écrire le moins possible: c’est-à-dire juste les mots-clés, en gros caractères.» Enfin, il faut connaître la structure. «Il y a le portillon de départ, la ligne d’arrivée et entre les deux les portes», image l’avocat et formateur d’Eloquentia.
Quel langage corporel?
Bertrand Périer résume: «Ni sémaphore, ni momie! L’essentiel c’est la sobriété. Il faut alterner les regards, avoir les bras libres pour accompagner la parole. Lorsque vous êtes assis, il faut garder une attitude dynamique: se pencher vers les interlocuteurs.»
Il illustre son propos par cette image universelle: «Imaginez que vous êtes invité chez des amis de vos parents que vous ne connaissez pas.» «La parole est avant tout une activité physique, assène Cyril Delhay. Et surtout, la respiration.» Attention aux points d’appuis: les pieds et le regard.
Comment évacuer les tics de langage?
«Euh…», «genre», «en fait», «voilà»… Ils sont nombreux, ils sortent inconsciemment et agacent certains examinateurs. Là encore, il est possible de s’entraîner afin de les faire disparaître. «Le juge de paix est le téléphone», assure Bertrand Périer. Cyril Delhay poursuit: «Il faut s’enregistrer et s’écouter. Une fois que le cerveau s’en rend compte, ça passe. Ça se corrige très vite. Pour un oral en juin, c’est maintenant qu’il faut s’y mettre.»
Une autre image parlera à tous les futurs bacheliers: «Le tic de langage, c’est comme un radar sur l’autoroute. On le voit, on sait qu’il est là et quand on s’en approche on ralentit», dépeint Bertrand Périer.
Comment bien rythmer son débit de parole?
Le secret pour bien parler… c’est le silence. «Dans une bonne prise de parole il y a environ un tiers de silence, analyse Cyril Delhay. Cela permet d’élaguer les propos inutiles, de clarifier et éclaircir son propos.»
L’autre clé de réussite réside dans l’alternance des rythmes. «À l’annonce du plan, il faut ralentir. Pendant l’explication il faut être naturel, avoir une parole simple. Ce n’est pas du théâtre», conseille Bertrand Périer. Enfin, il faut penser à la respiration. «C’est la pierre angulaire. Gestion du stress, rythme, débit… Tout passe par la respiration. C’est aussi le calme dégagé dans la prise de parole.» Il existe des exercices pour améliorer sa respiration, notamment sur internet.
Comment bien gérer la séquence questions-réponses?
«Il faut prendre son temps!», répond d’emblée Cyril Delhay. «Il ne faut pas se précipiter sur la réponse mais prendre le temps de bien la comprendre. C’est un exercice d’écoute.» Pour Bertrand Périer, cette séquence est avant tout à mettre à profit pour «continuer de prendre la parole».
Ne pas savoir n’est pas une honte. «C’est une preuve d’honnêteté intellectuelle de maturité et de courage. Le pire c’est de vouloir bluffer. Les grands esprits sont les personnes qui savent dire ‘‘je ne sais pas’’, c’est le début de la connaissance», conclut le professeur d’art oratoire. En revanche, «vous ne pouvez pas dire que vous n’avez pas d’opinion. Il faut ainsi préparer la question ‘‘qu’en pensez-vous?’’», pointe Bertrand Périer. «Ce grand oral est un vrai moment de conversation. Pour une fois, c’est votre sujet! Vous allez partager un intérêt personnel. C’est un échange entre adultes», s’enthousiasme l’avocat.
Source : etudiant.lefigaro